Le charme de la
ritournelle
Sur
Lover Lover Lover de Leonard Cohen
Si le sens général de la chanson reste
pour moi assez mystérieux, j’aime l’idée du dialogue entre un fils et son père.
C’est un récit, une fiction. Le fils est peut-être un soldat. Il veut changer
de « nom », il interpelle son père à ce sujet, car celui qu’il
« porte » est « recouvert » de « peur », de
« saleté », de « lâcheté » et de « honte ». Le
fils voudrait renaître, si je puis dire, dans un autre corps et avec une autre
personnalité, un « visage » « juste » « cette
fois » et « un esprit » « calme ». Le père qui l’a
« verrouillé » dans « ce corps », lui suggère qu’il peut au
choix « l’utiliser comme une arme » « ou pour faire sourire
quelques femmes ». On notera en passant l’irone discrète de ce conseil
paternel si libéral ! Le père semble à la fin se justifier (« Je ne
me suis jamais détourné » « Je ne suis jamais parti ») et laisse
entendre à son fils qu’il est libre
et qu’il n’a plus besoin de lui depuis longtemps. C’est lui le fils qui a
« construit le temple » et qui a « recouvert » le
« visage » du père. À ce moment, la chanson peut faire songer à Story of Isaac, sur le second album de
Cohen, où le mythe d’Abraham est raconté du point de vue du fils, celui que
l’on s’apprête à sacrifier au sommet d’une colline… Dans le contexte historique
précis où elle est écrite – la guerre du Sinaï, « pour les égyptiens et
les israélites » – la dernière strophe reste ouverte et peut sembler un
appel ambigu à la
paix : « Puisse l’esprit de cette chanson »
« s’élever » « pur et libre ». « Puisse-t-il être pour
toi » « un bouclier contre l’ennemi ». Je ne dirai rien du
refrain, si simple, si beau, si mémorable, qui me paraît établir le contraste
avec la noirceur des couplets et participe au charme toujours renouvelé de la
chanson, de la ritournelle !
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