All your stupid ideals
You’ve got
your head in the clouds
You
should see how it feels
With your
feet on the ground
Martin
Gore
pour Hélène
J’ai
voulu m’enfuir et courir vers l’horizon illimité, mais la corde était plus
longue que je ne le croyais. Et que de nœuds encore que je n’avais
imaginés…
Et tout
au bout, j’ai eu beau m’étrangler en tirant de toutes mes forces, j’étais
attaché, lié, retenu… La corde m’a d’ailleurs laissé au cou une marque profonde
comme le chien de la Fable qui ne court pas où il veut et que sa blessure, sa
cicatrice trahit…
Oh,
chien, je le suis : seulement, je ne m’en étais pas rendu
compte ! Comme ils ne savent pas ce qu’ils disent ceux qui disent
tout ce qui me retient…
J’ai
entrevu la voie de l’évasion – je n’ai pas dit pas la liberté –, elle est dans
la mort choisie, le suicide. Tirer sa révérence une bonne fois pour
toutes, être ailleurs, détaché… Fuite, fuite, que mon destin !
Hors
cela, il faut aimer la corde ou du moins consentir à tout ce qui nous lie...
Consentir n’est pas accepter : question de vocabulaire. Il
y a toujours une réticence chez celui qui consent. Quant à la longueur
et à la texture de la corde sans doute !
Mais j’ai
exagéré. J’exagère toujours. Je n’ai pas voulu m’enfuir, je n’ai
pas voulu courir vers l’horizon illimité, je ne me suis pas étranglé à tirer de
toutes mes forces – Animal paisible et domestique par vocation, je suis
tristement demeuré à proximité de ma niche… Et quelques mètres de corde
reposaient dans l’herbe rase… Et jamais, oh non jamais, l’idée m’est venue de
tirer sur la corde et de briser les liens, même si cela était impossible…
Ayant écrit
ces lignes dans le cahier grand format qui lui tenait lieu de journal intime,
Pierre se leva pour regarder l’heure. Isabelle ne tarderait plus à arriver et
malgré son excitation – l’excitation qui le prenait, même quand il n’écrivait
que quelques lignes – il devait lui présenter « une figure humaine ».
Il alla donc dans la salle de bains pour se passer de l’eau sur le visage.
Isabelle l’avait une fois surpris tandis qu’il était tout occupé d’écrire et
elle avait eu peur. Elle était arrivée sans prévenir, il avait oublié de fermer
la porte et elle l’avait surpris. Il s’était retourné avec un mouvement
brusque et elle avait eu peur… « Je ne t’ai pas reconnu et j’ai eu
peur : ton visage n’était pas le même…», avait-elle dit bouleversée. Mais
cela ne s’était plus reproduit. Pierre y avait pris garde. Il ne voulait plus
être surpris avant, pendant et après ce qu’il nommait d’un vaste mot
appris dans les journaux, son « acte d’écriture » Comme cette
seule expression suffisait à l’enthousiasmer ! Comme il se la répétait
pour lui-même… Il n’en demeurait pas moins que son « acte
d’écriture » était même à ses propres yeux, pour le moins équivoque et
sujet à caution : ce qu’il écrivait était un patchwork où, au fil des
phrases, des phrases en apparence impersonnelles, se mêlaient des éléments
transfigurés de sa vie intime, des indiscrétions sur celle de ses amis, des
fantasmes et des allusions littéraires qui, la plupart du temps, passaient
inaperçues… Ainsi l’avait-on un jour félicité pour ce que révélait d’esprit et
de cruauté une phrase… de Nietzsche : et ce, malgré les guillemets, qu’il
avait eu soin d’utiliser… Par la suite, comme on le félicitait le plus
volontiers pour ce qui n’était pas de lui, il avait oublié et les scrupules et
les guillemets, seulement résolu à tromper son monde à bon compte… Et deux ou
trois beaux plagiats lui avaient par exemple valu la considération de ses
amis…
Eclairé par
la lumière du plafonnier, son visage dans la glace lui déplaisait. Il se fit la
grimace : il eut même un instant envie de se tirer la langue… Je ne
sais pas ce qui me retient de cracher… Pourquoi repensait-il à tout
cela ? Bon, il était un imposteur, mais dans un monde d’imposteurs… Et
puis, ce texte n’était pas si mal après tout… Une sorte de poème en prose… Bien
meilleur que ce qu’il avait écrit depuis longtemps… Il lui faudrait un titre,
s’il se décidait à le taper à la machine. L’attache ? A l’attache ?
Ce pouvait être quelque chose dans ce goût-là… Mais pourquoi était-il donc si
mécontent ? « Mécontent de tous et mécontent de moi… », se
dit-il en essayant de sourire. Mais son sourire se figea. Quelque chose,
décidément, n’allait pas : il aurait dû être satisfait d’avoir même par un
texte bref mis fin à des semaines de stérilité… Et il ne l’était pas, bien au
contraire… Ce ne pouvait être le texte même, puisque tout cela était de la
littérature… La preuve en était qu’il s’était bien amusé… A jouer le jeu. A mimer
le tourment. Une sorte de confession, d’itinéraire spirituel contrefait… Ce « j’ai
entrevu », par exemple, ce doit être quelque part dans Rimbaud, dans la
Saison sans doute… Et puis La Fontaine aussi… Et puis quelques lectures
récentes. Et puis le ton général… Pas un mot de vrai dans tout cela… Un
patchwork. De la littérature… Mais pourquoi ce qu’il faisait d’habitude si
volontiers, lui posait-il aujourd’hui problème ? C’est brillant et sans
conséquence… Même pas faux, insincère… Comme toujours. Il revint dans le salon, relut une fois encore
le texte, ferma le cahier et le glissa parmi une pile de magazines. Le mieux
était d’oublier tout cela. Le mieux était de ne plus y penser. Dans quelques
jours, il relirait le texte et si cela alors ne lui disait plus rien, il le
déchirerait, il le déchirerait comme il avait déchiré tout ce qu’il avait écrit
depuis des semaines… Ah, ça, j’en gâche du papier, à moi tout seul, je
participe à la disparition des forêts… Il s’alluma une cigarette, se mit à la
fenêtre et attendit.
Isabelle
arriva vers vingt heures.
« Quoi
de neuf dans la rue ? demanda-t-elle gaiement en s’approchant pour
l’embrasser. Et bien quoi, tu regardes par la fenêtre, je te demande, c’est
tout…»
Elle
l’embrassa sur le front, déposa sur la table un sac du supermarché, alluma la
chaîne, mit un disque et, en sifflotant, elle revint vers lui.
« Voulez-vous
bien me regarder monsieur ? Tu ne remarques rien…»
Il se
retourna et l’examina distraitement. Que lui voulait-elle encore ? Et
pourquoi lui disait-on toujours qu’il avait de la chance ? Elle
porte bien son nom, c’est une beauté… Et moi, je suis triste comme la
pierre, évidemment…
« Je
dois constater que monsieur ne remarque rien ! Allez, je t’aide, la robe,
je l’ai achetée finalement, et puis je suis passée chez le coiffeur… Qu’en
penses-tu ? Ce n’est pas mal, non ?
– Oui, je
crois, murmura-t-il d’une voix imperceptible, et tu as bien fait pour la robe,
elle te va à ravir…
– Merci, mon
chéri, dit-elle en l’embrassant une nouvelle fois sur le front, elle me serre
un peu dans le dos, mais ce n’est pas grave… Cela fait un peu printanier pour
la saison, non ? Mais bon, si elle te plaît… J’espère que tu as faim, j’ai
fait des courses, il y avait des promotions sur le poisson, j’en ai profité… Tu
as écrit cet après-midi ? »
Pourquoi lui demandait-elle s’il avait
écrit ? Pourquoi fallait-il toujours qu’elle lui demande s’il avait
écrit ? Alors qu’elle n’était même jamais parvenue à lire un texte de lui…
Elle jugeait cela difficile et cela ne l’intéressait pas au fond : cela
n’avait pas pour elle plus d’importance et même moins en vérité que les
promotions sur le poisson au supermarché… Alors pourquoi lui
demandait-elle ? Pourquoi se sentait-elle obligée de faire comme si cela
l’intéressait ?
« Non,
dit-il au bout d’un moment, je me suis occupé, je n’ai rien fait de précis…»
« Mais
à présent, songea-t-il en la regardant déballer les courses, à présent que je
sais que tu es allée chez le coiffeur et que tu t’es acheté une nouvelle robe,
je vais pouvoir noter ces deux événements considérables dans mon journal
intime… Aujourd’hui, 15 octobre, Isabelle s’est acheté une robe, aujourd’hui,
15 octobre, Isabelle est passée chez le coiffeur… Deux lignes, le début
d’une œuvre…»
Elle lui parlait.
« Excuse-moi, je pensais à autre chose,
que disais-tu ? »
« Tu
penses toujours à autre chose, dit-elle en posant sur la table la planche à
découper et en sortant le poisson de son emballage de plastique, pour cela je
ne m’inquiète pas… Non, je disais que dimanche, j’irai bien voir maman. Elle a
téléphoné cet après-midi, elle se sent seule, elle voudrait que je vienne la
voir avec toi… Elle t’aime bien au fond, et tu sais ce que c’est la solitude…»
« Oui,
je sais ce que c’est… »
Il
n’écoutait plus. Il la regardait découper le poisson : ses gestes étaient
précis, efficaces, rapides… Et elle parlait, elle parlait… Sans apparemment se
rendre compte qu’il ne l’écoutait pas… Voilà donc ce qui me retient, voilà
donc ce qui m’attache… Un bavardage inepte, en découpant du poisson… Des
habitudes… La corde au cou… Et puis la maman, cette vieille peau, que l’on
ressort du placard, au cas où l’on ne tirerait pas soi-même assez fort sur la
corde… Un autre nœud… Et la trace laissée dans la chair… Au cou… Visible à
l’œil nu… Vous ne courez donc pas où vous voulez ? La solitude à deux, le
couple… Les habitudes. Les mêmes mots, et les mêmes gestes… Bien serrée la
corde et profonde la marque…
« Ça
va, mon chéri ? Tu fais une drôle de tête… Si tu ne veux pas, ce n’est pas
grave, j’irai toute seule, je sais bien que maman t’ennuie… Et puis moi avec ta
mère, c’est pareil…»
Il la
regarda. Elle s’était approchée, inquiète, son couteau à la main. Pourquoi
avait-elle dit cette dernière phrase ? Pourquoi avait-elle parlé de sa
mère à lui ? Si elle n’avait pas prononcé cette dernière phrase, il aurait
pu… Qu’aurait-il pu ? Elle l’aimait, elle était prête à tout accepter, ses
bizarreries, ses silences, parce qu’elle l’aimait… Mais elle parlait toujours
trop. Il fallait toujours qu’elle en dise trop… Si elle n’avait pas prononcé
cette dernière phrase, il aurait pu… Mais il fallait toujours qu’elle le fasse
à la fin descendre de son nuage… Une phrase de trop, une nuance inutile…
Descendre de son nuage, c’était bien cela, comme dans ce film en noir en blanc
qu’il avait vu quelques années auparavant à la télévision – comment s’appelait
donc ce film ? – où un homme, vêtu d’une cape, coiffé d’un chapeau, volait
librement parmi les nuages… Un autre homme, sur une plage, l’attrapait au lasso
et le ramenait brutalement au sol… Terrible était la chute… Un rêve du
personnage, une scène onirique, dont le sens était bien trop clair… C’était
cela, Isabelle : celle qui vous attrape au lasso alors que vous volez et
qui vous fait descendre, tomber de votre nuage… Parce qu’elle parle toujours
trop…
« Mais
qu’est-ce que tu as à la fin ? »
Elle était à
côté de lui, inquiète, son couteau à la main… Un tableau ridicule… Il se retint
de lui rire au nez… Mais regarde-toi, avec ta robe, ton couteau, et ton poisson
sur la table…
–
Excuse-moi, dit-il enfin. Je suis fatigué, je ne sais pas ce que j’ai… Des
douleurs dans le cou…
– Mon pauvre
chéri, dit-elle en déposant le couteau sur la table, tu veux que je te fasse un
petit massage ? »
Il la
regarda. Elle prenait donc tout au pied de la lettre. Elle ne comprenait donc
pas qu’il mentait pour qu’elle lui foute la paix… Elle ne comprenait donc rien…
Des douleurs dans le cou ! Mais la corde est trop serrée ma chérie, et tu
tires trop fort pour me ramener dans ton petit monde banal et stupide, où l’on
découpe du poisson, où l’on va voir sa mère le dimanche, où l’on passe chez le
coiffeur et où l’achat d’une robe est un immense événement…
– Non, non,
tais-toi, c’est tout… Depuis que tu es rentrée, tu n’arrêtes pas de jacasser…
C’est toi, toi, qui me fais mal à la tête, tais-toi, c’est tout… Et si tu veux
que j’aille chez ta mère avec toi, j’irai, qu’est-ce que cela peut me
faire ? C’est dans l’ordre des choses… On est en couple, liés, attachés,
non ? »
Il s’était
laissé emporter par sa fureur, il en avait trop dit lui aussi… Et une fois de
plus, il la faisait souffrir, pour rien, pour des motifs oiseux et qu’elle ne
pouvait comprendre… Sans doute à cause d’une stupide lubie d’ordre littéraire…
Le repas fut
long, morne et silencieux. Un moment, elle essaya de parler. Elle s’excusait.
Elle était bavarde, elle voulait bien l’admettre… Mais lui, il parlait si peu :
on ne savait jamais ce qu’il pensait, ce n’était pas facile, il fallait la
comprendre… Elle ne le lui reprochait d’ailleurs pas, il devait la comprendre…
Elle savait qu’il avait d’autres préoccupations qu’elle, moins terre à terre…
Et puis ils s’aimaient, c’était l’essentiel, non ? Il pouvait compter sur
elle, elle le soutiendrait toujours… Et un jour, il écrirait un livre, elle en
était persuadée, il avait du talent, et cela le libérerait… Comme ils seraient
heureux alors… Levant les yeux de son assiette, il la regarda sans comprendre.
Que lui voulait-elle encore ? Cela ne finirait donc jamais… Elle lui avait
mis la corde au cou : il était attaché, lié, retenu et cela ne lui
suffisait donc pas ?
« Je
vais me coucher…»
Il était
couché, mais ne parvenait pas à dormir. Des pensées confuses l’agitaient… Il
était harcelé par des visions et des mots… Corde, cou, pendaison… Attrapé au
lasso et ramené au sol… Tombant, tombant d’une hauteur vertigineuse… Et il y
avait encore le chien que ses maîtres sans doute avaient laissé seul pour la
soirée et qui aboyait interminablement dans un appartement voisin… Et il se tournait et se retournait en vain… Et
dans son exaspération, il s’enfouissait le visage dans l’oreiller, en rabattait
les bords pour ne plus entendre les plaintes de l’animal…
Isabelle
entra dans la chambre. Elle se déshabilla et vint le rejoindre dans le lit.
Elle s’était douchée, parfumée, désireuse de lui plaire… Il y avait si
longtemps qu’ils n’avaient plus fait l’amour… Souvent, elle était fatiguée
ou n’avait pas envie, simplement… Parfois, il lui tournait le dos et elle, de
longues heures, demeurait éveillée, les yeux grands ouverts dans le noir… Ce
n’était pas à cause de lui, ce n’était pas sa faute à elle, c’était la faute de
personne…
Elle se
serra contre lui et commença de l’embrasser en lui murmurant des mots tendres
et de réconciliation… Il était stupide de se disputer pour des broutilles… Elle
s’excusait encore, si elle l’avait énervé… Cela faisait déjà trois ans qu’ils
étaient ensemble : ce n’était pas rien, et ils n’allaient pas tout gâcher…
Et puis elle l’aimait, elle l’adorait, elle ne pouvait vivre sans lui… A
l’avenir, elle ferait attention, elle essayerait d’être moins bavarde… Elle
ferait tout pour lui… Et un temps, ils s’exaspèrent l’un l’autre : elle le
serrant, lui la repoussant…
D’un coup,
avec un grognement, il rejeta le drap, se leva et alluma la lumière. Debout au
bord du lit, il la considéra un moment… Pourquoi lui disait-on toujours qu’il
avait de la chance ? Avec ses cheveux en désordre, son visage défait…
« Attache-moi,
dit-il soudain avec une joie mauvaise, c’est une idée que j’ai eue, et au
moins, cela nous changera de l’ordinaire…
– Que je
t’attache, mais pourquoi et comment ? demanda-t-elle au bout d’un moment,
comme s’il lui avait fallu d’abord se remettre de sa stupéfaction et se
convaincre qu’elle avait bien compris ce qu’il lui demandait.
– Comment,
je ne sais pas, dit-il d’une voix haletante, avec de la ficelle, de la corde,
je suppose… C’est une idée que j’ai eue, c’est un symbole, si tu veux…
– Un symbole,
répéta-t-elle d’une voix pathétique, que veux-tu dire par symbole ?
– Un
symbole, dit-il nerveusement. Essaie donc de comprendre, un symbole, cela ne
s’explique pas… Une colombe qui vole dans un ciel bleu, cela symbolise la paix,
mais en même temps, cela reste une colombe dans un ciel bleu, c’est un symbole,
cela ne s’explique pas… Mais essaie donc de comprendre !
– Mais
pourquoi veux-tu que je t’attache ? demanda-t-elle au supplice. C’est
bizarre…
– Oublie
donc un peu tes pourquoi, dit-il après un moment, ce que tu peux être
conventionnelle… Allez, je vais retirer les lacets de mes chaussures et tu me
lieras les poignets…»
Il quitta la
chambre en toute hâte et revint un instant après avec ses chaussures, dont,
dans la lumière de la lampe, il commença de retirer les lacets. Elle s’était
redressée dans le lit et regardait sans comprendre. Il lui jeta les lacets et
présenta ses deux poings.
« Attache-moi,
dit-il avec emportement comme elle regardait d’un œil vide les deux fils noirs
tombés sur le drap. Attache-moi, je te le demande, attache-moi, et cela veut
dire, je t’appartiens, tu peux faire tout ce que tu veux de moi…»
Abasourdie,
elle regardait toujours les lacets, comme hypnotisée par ces deux bouts de fils
noirs, leur absurde présence sur le drap blanc, leur exigence… Et il
s’impatienta.
« Ne
demande pas pourquoi, attache-moi, fais ce que je te dis…»
Et, sans
comprendre, elle lui lia ses deux poings tendus.
« Tu
peux serrer plus fort, ce n’est pas grave…»
Et elle
s’appliqua à faire ce qu’elle ne comprenait pas.
« A
présent, tu peux faire de moi tout ce que tu veux, je t’appartiens et je ne
pourrais pas me défendre… Tu peux faire de moi tout ce que tu veux… Essaie donc
d’avoir de l’imagination… Un homme aux mains liées s’offre à toi comme un
esclave… Moi, à ta place, je saurais bien quoi faire… Mais essaie donc de
comprendre...»
Il était
debout au bord du lit, son caleçon sur les chevilles, les poings tendus,
passablement excité… Et, au bout d’un moment, elle éclata en sanglots.
« Je ne
sais pas ce que tu veux, je ne sais pas ce que tu veux… Je ne comprends pas…»
Et
longtemps, secouée de sanglots, elle répéta ces quelques mots…
Brisés,
épuisés, ils dormirent l’un à côté de l’autre dans le grand lit. Le lendemain,
il fut réveillé tôt par un rêve confus. Dans son sommeil, elle s’était serrée
contre lui, il la repoussa doucement et l’esprit encore brumeux, il alla en
titubant à son bureau pour écrire. Quand plus tard elle vint lui annoncer
qu’elle partait, il était courbé sur sa page et n’entendit rien.
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Cette nouvelle a été écrite en 2007,
suite à l’aimable suggestion de Hélène qui pour me faire écrire m’avait proposé
comme mot-thème « l’attache ». Il me semble que je voulais alors surtout
me moquer de la figure de l’apprenti écrivain particulièrement épris de
lui-même et égocentrique, mais un ami, François, m’avait assuré que ma nouvelle
était plus complexe. Puisse-t-il avoir raison ! Frédéric Perrot.
Pour
écouter la « cynique » chanson de Depeche Mode :
https://youtu.be/PWg_EN5CxUM