mardi 28 février 2017

Elle se sent éphémère (poème paru dans Lichen, numéro 12, mars 2017)

            Pour toi, Birte

Elle découpe les feuilles mortes de son avocat
Arrose l’orchidée mauve convoitée par le chat

Sur le tapis d’un blanc uni
Un puzzle inachevé

Elle soupire sur son ventre rebondi
Ses gestes fatigués

Elle étend les vêtements de l’enfant à venir
En se disant qu’elle a envie d’un verre de rire

Elle espère que cela sera bientôt fini…

Comme la neige qui tombe
La musique qui passe

Le chat qui file sans raison
La beauté fragile de l’orchidée

Elle se sent éphémère
Captive de l’hiver


                            Frédéric Perrot


pour aller lire la revue : 

dimanche 26 février 2017

Blackstar (hommage à David Bowie)

Blackstar

            en hommage à David Bowie (1947-2016)


Je cherche la beauté
Je ne veux pas être le sur-moi de ce sale type
Je ne veux pas être le complice du poète
Qui ignore de combien de morts il est complice
Et je veux corriger ses vers
Si je les juge mauvais

Je cherche la beauté
Je ne veux pas être le larron en foire de ce pantin
Je ne veux pas être le fantôme de l’orgie
Je cherche la beauté
Je m’effraie pour ma conscience
Je ne veux pas être hanté
Par des souvenirs douteux
Les irrésolutions du vice
Et je veux vider les verres
Que l’on me tendra

Vos annonces ne m’intéressent pas
Veuillez ne plus me contacter
Proposer à d’autres vos contrats d’assurances
Vos écrans géants et vos plans épargne logement
Je veux être le seul habitant de mon univers

Je cherche la beauté
Je ne veux plus être à votre semblance…




Le texte ne se réfère à aucune chanson précise de David Bowie. Il est juste une rêverie sur la capacité de Bowie à inventer et incarner différents personnages (Ziggy Stardust, The Thin White Duke, etc.). Car comme l’écrivait Arthur Rimbaud : « A chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues.»

Mais pour la musique 




one tree hill (traduction du groupe U2)

One Tree Hill (traduction)

One Tree Hill est une colline d’origine volcanique située à Auckland, Nouvelle-Zélande. La chanson, l’une des plus belles du groupe U2, a été écrite en hommage à Greg Carroll, un ami maori du chanteur, mort dans un accident de moto. La chanson a été chantée pour la première fois lors de ses funérailles. S’y trouve également évoquée la mémoire de Victor Jara, le poète chilien torturé et assassiné quelques jours après le coup d’Etat d’Augusto Pinochet le 11 septembre 1973. L’histoire est hélas tristement célèbre. Comme Victor Jara était musicien et guitariste, les militaires de Pinochet lui ont coupé les doigts à la hache, avant de l’exécuter. C’est une chanson de deuil et de souffrance.


Nous nous détournons
Pour endurer un froid éprouvant
Alors que le jour mendie
Amour et grâce à la nuit

Le soleil est si intense
Qu’il ne laisse aucune ombre
Seulement des cicatrices gravées dans la pierre
Sur la surface de la Terre

La lune est haute au-dessus d’One Tree Hill
Nous voyons le soleil se coucher dans tes yeux
Tu courais comme une rivière vers la mer
Comme une rivière vers la mer

Il y a dans notre monde un espace de ténèbres
Un lieu brûlant
Où les poètes ouvrent leur cœur
Et saignent pour cela
Jara chantait et ses chansons étaient des armes
Brandies au nom de l’amour
Tu sais que son sang
Ruisselle encore dans le sol
Il coule comme une rivière vers la mer
Comme une rivière vers la mer

J’ai du mal à croire aux fleurs artificielles
Et aux cœurs qui saignent
Quand le bruit des balles viole
Le silence d’une nuit compatissante

Je te reverrai quand les étoiles tomberont du ciel
Et que la lune sera devenue rouge au-dessus d’One Tree Hill

Nous courons comme une rivière vers la mer
Comme une rivière vers la mer

Et quand il pleut et qu’il pleut dru
C’est alors que le cœur se déchire
Il pleut il pleut il pleut
Au fond de ton cœur

Oh grand océan 
Oh grande mer
Va à l’océan
Va à la mer…

            Frédéric Perrot



pour écouter la chanson :

samedi 25 février 2017

bar italia (traduction du groupe Pulp)

Bar Italia (traduction du groupe Pulp)

La chanson conclut l’album Different Class (1995)

Maintenant si tu peux te lever
J’aimerais te prendre par la main
Et qu’on aille faire un tour
À cette heure où les autres partent au travail
Oh, quittons cet endroit avant
Qu’ils ne nous disent que nous sommes morts défoncés

Refrain

Bouge, bouge-toi, tu dois bouger
Allez c’est par là, allez c’est le moment
Mais toi, regarde-toi, tu as l’air si désorientée
Qu´as-tu donc perdu ? (Dans Soho)

Si tu peux passer une commande
Pourrais-tu en faire une pour moi ?
Deux sucres ce serait bien
Car je m’éteins rapidement
Et c’est bientôt l’aube

S’ils démolissent cet endroit,
Cela aura toujours une autre gueule que toi
Oh bouge, bouge-toi, tu dois bouger
Allez c’est par là, allez c’est le moment
Mais toi, regarde-toi, tu as l’air si désorientée
Qu’as-tu donc perdu ? (Dans Soho)
D´accord seulement ton esprit

Si nous survivons à tout cela
Je te retrouverai la semaine prochaine
Même lieu même heure

Refrain

Voilà ce qu’il vous reste des nuits en club
Vous ne pouvez pas rentrer chez vous et vous coucher
Car cela ne s’est pas encore dissipé
Quand vient le matin
Il n’y a qu´un seul endroit où nous pouvons aller
C’est dans ce coin de Soho
Où vont tous les gens détruits
Allons-y

                                               Frédéric Perrot


pour écouter la chanson 

vendredi 10 février 2017

Jardin secret


                                   Les souvenirs sont cors de chasse
                                   Dont meurt le bruit parmi le vent
                                                        Guillaume Apollinaire, Cors de chasse


En mon jardin secret
Comme dans une chanson de John Cale
Il pleut du Beaujolais sur les Champs-Élysées

Les lieux les noms et les époques
Se confondent dans un clignement d’œil
Ou peut-être une larme

Et des chiens courent sur la plage de Scheveningen
À Athènes pour la première fois je vois des orangers

Et le ciel mauve d’Avignon
Se dissipant
C’est l’Andalousie
Un rêve de désert en Tunisie
Et les rouges coquelicots
D’une île danoise
Par une après-midi
Heureuse
À vélo…

En mon jardin secret
Comme dans une chanson de John Cale
                       
Les lieux les noms et les couleurs
Se confondent
Dans un clignement d’œil
Ou peut-être une larme



La chanson de John Cale évoquée est Paris 1919, sur l’album éponyme.
Frédéric Perrot



Pour écouter la chanson 

mercredi 8 février 2017

Dans le brouillard (poème)

Dans le brouillard


À pas lents
Il avance dans le brouillard

Se perdre plus avant
Aurait quelque chose de navrant

Style de plats romanciers
Il revit la scène
Gravit les escaliers
Sait où son désir le mène

Comme un automate

Bientôt tout sourire
Elle lui ouvrira ses bras
Heureuse de la nuit à venir
Et le mensonge continuera

Avec une sorte de hâte à présent
Il avance dans le brouillard

Se perdre plus avant
Aurait quelque chose d’obscène

Les mêmes mouvements
Les mêmes scènes

Mais il souhaite se perdre

Oublier toute prudence
Se livrer au hasard

Parvenir à ce point

Où il n’y aura plus de différence
Entre lui-même et le brouillard

Où le mensonge cessera 



                        Frédéric Perrot

lundi 6 février 2017

traduction du groupe American Music Club (Ex-Girlfriend)

Ton ex-petite amie (Ex-Girlfriend)

Le texte est une traduction de la chanson Ex-Girlfriend du groupe American Music Club, sur l’album Everclear (1991). Il me semble que la chanson suggère qu’un couple parfois échoue d’être livré à lui-même.
Le texte est une traduction et une interprétation : j’ai choisi de dire que la compassion du narrateur, qui se sent peut-être coupable de ne pas avoir été là, concerne le couple, les deux personnes, et non pas seulement le bon copain, ivrogne, pathétique, qu’il s’agit de consoler. Cela m’a paru plus beau.


Ton ex-petite amie m’a dit combien les choses ont mal tourné
Ton ex-petite amie m’a dit combien les choses ont mal tourné
Au jour le jour la vie ne devrait pas être tout ce qu’on en dit
Au jour le jour la vie est quelque chose que nous avons à découvrir
Je suppose que vous n’aviez personne pour vous aider

Ton ex-petite amie m’a dit que tu avais passé la journée d’hier à pleurer
Hé, je ne savais pas que les choses allaient si mal pour toi
Peut-être que tu essayais seulement de la faire revenir vers toi
Ou que tu continuais dans ta manière cynique
De te protéger
De mauvaises habitudes prennent nos décisions pour nous
Tu devrais te souvenir
Que vous ne serriez que de la poussière...

Ce n’est pas encore l’heure de la fermeture
Et déjà les étoiles illuminent le ciel
Tu es complètement soûl tu devrais faire quelque chose
Je vais essayer de t’aider

Ton ex-petite amie m’a dit que tu avais passé la journée d’hier à pleurer
Mais crois-tu à toutes ces histoires
Quand la vie ne se monnaie pas
Je suppose que vous n’aviez personne
Je suppose que vous n’aviez personne
Je suppose que vous n’aviez personne
Je suppose que vous n’aviez personne
Pour vous aider…



samedi 4 février 2017

traduction de Neil Young (Dreamin' man)

Homme qui rêve (traduction de Neil Young)

            La chanson de Neil Young se trouve sur l’album Harvest Moon (1992)

Je suis un homme qui rêve
Oui, c’est mon problème
Je ne peux pas dire
Quand je ne suis pas réel
Dans la prairie au crépuscule
Je gare mon Aerostar
Avec un flingue chargé en poche
Et de tendres rêves de toi

Je vois tes rondeurs
Et je sens tes vibrations
Tu es habillée
De noir et de blanc
Tu es perdue dans le centre commercial
Je te regarde disparaître 
Au coin d'une agence de voyages
Une autre nuit sans sommeil
Un soleil qui ne se couchera pas

J’ai toujours été un homme qui rêve
Je ne suis pas obligé de comprendre
Je sais que ce n’est pas grave

Maintenant la nuit est finie
Un autre jour se lève
Et nos rêves sans foyer
Retournent dans la rue

Un autre temps ou un autre lieu
Une autre civilisation
Ferait vraiment ressentir cette vie
Comme complète

J’ai toujours été un homme qui rêve
Je ne suis pas obligé de comprendre
Je sais que ce n’est pas grave

Homme qui rêve
(Il a un problème)
Homme qui rêve
Homme qui rêve
(Il a un problème)

Homme qui rêve…


                            Frédéric Perrot

Pour écouter la chanson :




Neil Young à Marseille le 16 juin 2016

ma part de Gaulois

Aujourd'hui, à la librairie Histoire de l'oeil, l'ancien leader du groupe Zebda, Magyd Cherfi, venait présenter et lire des extraits de son récit autobiographique, Ma part de Gaulois.





Magyd Cherfi



pour la bonne humeur
https://youtu.be/wsQaQBpTOK0

jeudi 2 février 2017

A la manière d'Arcimboldo


         Il semble que je sois guetté par un destin potager. Ainsi ai-je constaté que des feuilles vertes et abondantes me poussent derrière la tête. Si mon profil en souffre certainement, l’essentiel est que cela me gêne dans mon commerce avec mes semblables que froisse tant de verte exubérance. Mais cela me démange également, à la racine je dois le dire, de mes cheveux dont j’emprunte au navet le désordre et que je n’ose plus laver tant il me déplaît de devoir arroser ces jeunes pousses qu’après tout je n’ai pas désirées. Il me faut préciser que mon coiffeur, à ses heures jardinier, répugne à les couper et qu’il s’en excuse, bien légèrement selon moi, en prétendant qu’il ne possède pas de sécateur parmi ses accessoires et craint d’user ses ciseaux. Et ce n’est hélas pas tout…
De l’endive mon visage a attrapé la pâleur maladive ; tandis que mes oreilles sont deux poires d’une apparence si onctueuse que je dois repousser toute une foule d’importuns qui sous le prétexte fallacieux de me faire des confidences ne désirent en vérité que croquer à belles dents. Une tomate rouge et ronde s’étant installée à la place de mon nez, je suis en outre sujet à tous les quolibets et de son armoire j’ai dû ressortir l’affreuse écharpe à pois de mon enfance en guise de cache-nez. Mes dix doigts ayant acquis du radis l’aspect boudiné et l’extrémité filandreuse, cela m’évite au moins d’avoir à serrer la main aux Amis de la Nature qu’il m’arrive de croiser dans les vergers où m’entraîne irrésistiblement mon errance solitaire. Bien malgré moi encore, je prends en sympathie les hideuses jardinières dont les citadins aiment à orner le bord de leurs fenêtres et je fleuris les tombes de tous les cimetières du voisinage. « Est-ce une vie, est-ce une vie ? », serais-je parfois tenté de demander au saule pleureur, si je ne veillais à ce que ma raison s’égare…


Tant il est bien évident que cette existence végétale ne saurait me convenir et que je ne peux songer sans frémir au jour où tout cela commencera à pourrir

                                                
                                                            Frédéric Perrot 


Arcimboldo, Hiver

Recul stratégique


Un peu comme aux échecs, j’opère un recul stratégique.

Il s’agit de me protéger, de sortir des espaces où je suis sans défense, des zones empoisonnées où je suis vulnérable, exposé à tous les coups, qui sont permis ! Car il n’y a pas de règles, les règles s’écrivent au fur et à mesure et l’on peut y déroger à la première occasion, quitte à renverser le jeu avec un mouvement d’impatience.

Je ne serai pas mauvais perdant, mauvais joueur, j’accepterai d’être défait.  

L’existence en tous cas n’a rien d’une partie d’échecs, l’image est fausse, erronée : une partie d’échecs est logique et le hasard n’y tient qu’une place infime ; l’existence est souvent illogique et très hasardeuse… Dans ces conditions, vous comprendrez certainement que j’opère un recul stratégique : il s’agit pour moi de me protéger, de sortir du cercle où tout me blesse, où je suis vulnérable


                                                               Frédéric Perrot

mercredi 1 février 2017

traduction de Leonard Cohen (The future)

L’avenir (une traduction de Leonard Cohen)

La chanson The future se trouve sur l’album éponyme (1992)

Rendez-moi ma nuit déchirée
Ma chambre solitaire ma vie secrète
C’est ennuyeux ici
Il n’y a plus personne à torturer
Donnez-moi le pouvoir absolu
Sur chaque âme qui vit
Et allonge donc près de moi chérie : 
C’est un ordre !

Donnez-moi du crack et de la sodomie
Prenez le dernier arbre qui reste
Et servez-vous en pour boucher le trou
Dans votre culture
Rendez-moi le mur de Berlin
Donnez-moi Staline et Saint-Paul
J’ai vu l’avenir, mon frère :
C’est le meurtre…

(Refrain)
Les choses vont partir tournoyer dans toutes les directions
Ce ne sera pas rien
Personne ne peut encore le mesurer
La tempête la tempête du monde
A franchi nos portes
Et elle a bouleversé de fond en comble
L’ordre des âmes
Quand ils disaient « Repentez-vous »
Je me demande ce qu’ils voulaient dire
Quand ils disaient « Repentez-vous »
Je me demande ce qu’ils voulaient dire
Quand ils disaient « Repentez-vous »
Je devine ce qu’ils voulaient dire…

Le vent ne t’a pas soufflé qui je suis
Tu ne le sauras jamais, tu ne l’as jamais su
Je suis le petit juif qui a écrit la Bible
J’ai vu les nations s’élever puis s’effondrer
J’ai entendu leurs histoires, je les ai toutes entendues :
Mais l’amour est l’unique moteur pour survivre.
A ton serviteur, on a demandé
De le dire clairement, de le dire froidement :
C’est fini, cela n’ira pas plus loin
Et à présent les roues du Paradis ne tournent plus
Tu sens la cravache du diable  
Tiens-toi prêt pour l’avenir :
C’est le meurtre

(Refrain)

Il y aura la destruction de l’ancien code occidental
Ta vie privée soudainement explosera
Il y aura des fantômes
Il y aura des feux sur la route
Et le petit homme blanc qui danse !
Tu verras une femme
Suspendue par les pieds
Son visage recouvert par sa robe
Et tous les infects petits poètes
Passant par là
Essayer de sonner comme Charlie Manson –
Et le petit homme blanc qui danse…

Rendez-moi le mur de Berlin
Donnez-moi Staline et Saint-Paul
Donnez-moi le Christ
Ou donnez-moi Hiroshima
Détruisez un autre fœtus à présent
De toute façon nous n’aimons pas les enfants
J’ai vu l’avenir, chérie:
C’est le meurtre…

(Refrain)

                                                       Frédéric Perrot 


Pour écouter la chanson