Il est des littérateurs pour qui rien n’est beau comme
l’authentique bouton d’une porte dont la dorure s’écaille ; un vase en
céramique auquel est attachée l’anecdote du prix que l’on avait oublié de
retirer en l’offrant et dans lequel se pâme en sa suprême agonie une pauvre
fleur solitaire qui rappelle à l’âme désabusée la douce splendeur de ces
époques où aimer n’était pas un vain mot ; une carte postale véritablement
d’Epinal dont les coins jaunis et l’encre passée sont encore d’émouvants
témoins des étés révolus durant lesquels on courait pieds nus et en agitant
pour rire des épuisettes de fortune ; une serviette en éponge orange
cadeau de mariage nostalgiquement pendu dans la salle de bains achetée en solde
et dont on n’use plus guère, mais qui certes a servi à essuyer le front
fiévreux et le petit derrière rougeâtre d’un premier enfant qui depuis a si
vite grandi et fait son chemin humblement comme les hommes en ces temps
compliqués et mercantiles doivent le faire.
Il est compréhensible
que cet imaginaire indigent se manifeste dans les pages de leurs œuvres en de
longues et chagrines logorrhées : c’est que le monde avec son sans-gêne
habituel trouble ces bonheurs dont la fragilité fait le prix, ces extases à
domicile.
------------------------------
Dans ce
texte, je voulais me moquer de ces écrivains petits-bourgeois, dits « minimalistes »
tel que Philippe Delerm, qui hélas ne s’est jamais étranglé avec son infecte « première gorgée de bière ». J’avais
en vue également certains romans « familialistes » publiés par les
Editions de Minuit, maison prestigieuse s’il en est, mais qui au début des
années 2000 n’était régulièrement qu’un robinet d’eau tiède. Le texte est conçu
comme l’une des mièvreries de Delerm – qui de Francis Ponge, voir publication précédente, n’aurait retenu que
l’apparente préciosité – et ce jusque dans le principe de la pointe finale,
analysée par Pierre Jourde, les derniers mots de la mièvrerie étant souvent le
titre même du texte. Frédéric Perrot.