vendredi 31 août 2018

Les extases à domicile


        Il est des littérateurs pour qui rien n’est beau comme l’authentique bouton d’une porte dont la dorure s’écaille ; un vase en céramique auquel est attachée l’anecdote du prix que l’on avait oublié de retirer en l’offrant et dans lequel se pâme en sa suprême agonie une pauvre fleur solitaire qui rappelle à l’âme désabusée la douce splendeur de ces époques où aimer n’était pas un vain mot ; une carte postale véritablement d’Epinal dont les coins jaunis et l’encre passée sont encore d’émouvants témoins des étés révolus durant lesquels on courait pieds nus et en agitant pour rire des épuisettes de fortune ; une serviette en éponge orange cadeau de mariage nostalgiquement pendu dans la salle de bains achetée en solde et dont on n’use plus guère, mais qui certes a servi à essuyer le front fiévreux et le petit derrière rougeâtre d’un premier enfant qui depuis a si vite grandi et fait son chemin humblement comme les hommes en ces temps compliqués et mercantiles doivent le faire.
         Il est compréhensible que cet imaginaire indigent se manifeste dans les pages de leurs œuvres en de longues et chagrines logorrhées : c’est que le monde avec son sans-gêne habituel trouble ces bonheurs dont la fragilité fait le prix, ces extases à domicile. 

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         Dans ce texte, je voulais me moquer de ces écrivains petits-bourgeois, dits « minimalistes » tel que Philippe Delerm, qui hélas ne s’est jamais étranglé avec son infecte « première gorgée de bière ». J’avais en vue également certains romans « familialistes » publiés par les Editions de Minuit, maison prestigieuse s’il en est, mais qui au début des années 2000 n’était régulièrement qu’un robinet d’eau tiède. Le texte est conçu comme l’une des mièvreries de Delerm – qui de Francis Ponge, voir publication précédente, n’aurait retenu que l’apparente préciosité – et ce jusque dans le principe de la pointe finale, analysée par Pierre Jourde, les derniers mots de la mièvrerie étant souvent le titre même du texte. Frédéric Perrot.

A lire de Pierre Jourde, La littérature sans estomac



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