lundi 30 août 2021

Dans le brouillard (pour Claude)

 

Eric Doussin, Dans le brouillard

À pas lents
Il avance dans le brouillard
 
Se perdre plus avant
Aurait quelque chose de navrant
 
Style de plats romanciers
Il revit la scène
Gravit les escaliers
Sait où son désir le mène
 
Comme un automate
 
Bientôt tout sourire
Elle lui ouvrira ses bras
Heureuse de la nuit à venir
Et le mensonge continuera
 
Avec une sorte de hâte à présent
Il avance dans le brouillard
 
Se perdre plus avant
Aurait quelque chose d’obscène
 
Les mêmes mouvements
Les mêmes scènes
 
Mais il souhaite se perdre
 
Oublier toute prudence
Se livrer au hasard
 
Parvenir à ce point
 
Où il n’y aura plus de différence
Entre lui-même et le brouillard
 
Où le mensonge cessera
 
 

        Le poème appartient au recueil autoédité Les Fontaines jaillissantes (avril 2021). Je l’ai lu jeudi dernier lors de l’Octogone des poètes. Frédéric Perrot.

mercredi 25 août 2021

Deux poèmes extraits des Fontaines jaillissantes sur le blog de Marie-Anne Bruch

 

La poétesse Marie-Anne Bruch, auteur entre autres de Buées dans l’hiver et La Portée de l’Ombre, a eu l’amabilité de publier sur son excellent blog « La Bouche à Oreilles » deux poèmes extraits de mon recueil Les Fontaines jaillissantes. Un grand merci à elle ! Frédéric Perrot

 https://laboucheaoreilles.wordpress.com/2021/08/25/deux-poemes-de-frederic-perrot/


Pour lire les deux publications que j’ai consacrées aux livres de Marie-Anne Bruch, c’est ici :

https://beldemai.blogspot.com/2021/03/marie-anne-bruch-la-portee-de-lombre.html

https://beldemai.blogspot.com/2020/01/sur-buees-dans-lhiver-de-marie-anne.html

samedi 21 août 2021

L'injustice ordinaire

 

                                  pour Andrès,

 


Excessivement sensible

À l’injustice ordinaire

Celle de tous les jours

Au hasard des rues

Sur un passage piéton

Dans une file d’attente

Il s’emporte souvent

Il a en lui une telle colère

Qui ne demande qu’à éclater

 

Et désireux d’être conséquent

Il s’en mêle ne laisse plus en paix

Le quelconque abruti

Qui s’est garé de travers

Le mec lourd qui braille sur une fille

Le vieux raciste typique alsacien

Qui déblatère sur les arabes ou les turcs

Et ils en ont pour leur argent

En termes d’injures et de menaces physiques !

 

Il est vrai que nombre de nos contemporains

Mériteraient un bon cassage de gueule

Je ne peux pas lui donner tout à fait tort

 

Puis il redevient zen et relax

Et s’en sort

Par un sourire…

 

 

                                                     Frédéric Perrot

mercredi 18 août 2021

Un siècle d'écrivains, Witold Gombrowicz

 



Extrait du texte de présentation :


Certains écrivains n’ont jamais eu de « légende », d’autres ont su s’en créer une. Le despotisme excentrique que Gombrowicz put imposer à son entourage avec une grande force de suggestion et de persuasion traduit le personnage hors normes qu’il s’était fabriqué. Le film retrace sa trajectoire de Pologne en Argentine, puis en France, une vie indissolublement liée à une œuvre.

 

Witold Gombrowicz, Un film de Andrzej Wolski.

lundi 9 août 2021

Frantisek Kupka, La petite fille au ballon

 

Musée d'Art Moderne de Strasbourg (9 juillet 2021)

La tourbe des mécontents

 

Nul ne mesure tous les efforts patients

Pour tenter de s’extraire

Même pour peu de temps

De la tourbe des mécontents

 

Se démêler du Nombre

Se tenir à distance 

Oublier le poison

Des soudaines intrusions

 

Et éviter surtout de suivre tel ou tel

Dans ses habituels sentiers tortueux 

De lubies et de songes résiduels

 

Afin de se hisser

Toutes déceptions tues

À la contemplation sereine

 

 

Ce poème a été écrit en 2016. Il y est question des relations toxiques que l’on peut entretenir avec certaines personnes, qui aiment à vous entraîner dans les méandres de leur psychisme… C’est André Breton (dans Signe ascendant) qui parle du « Nombre » pour désigner la foule indistincte de nos semblables.  Frédéric Perrot

jeudi 5 août 2021

Personne ne voudrait être dans ma tête (dit le Joker)

 


Pour David,

 


Mon chagrin restera secret

Je ne le galvauderai pas

Sur la place publique

Ou dans un théâtre borgne

À quatre sous

 

Mon chagrin restera secret

Je n’en ferai pas du stand-up

Je ne tenterai pas avec

De me mettre dans la poche

Tous ces fous

 

Tous ces salauds…

 

Mon problème justement

Est qu’en dépit de mes efforts en ce sens

Je ne les fais pas rire du tout

 

Personne ne voudrait être dans ma tête

Oui, oui, je suis fou, et alors ? 

     

Mais à cet instant précis

J’ai envie de me lancer dans

Un grand discours

Sur les riches

Et les philanthropes

 

Milliardaires !

Genre Bruce Wayne, Bill Gates, etc.

 

Je les déteste tous

La haine des riches est même

Paraît-il un sujet de thèse

Socio

Socio

Socio

 

(logique)

 

Personne ne voudrait être dans ma tête

Oui, mais j’ai un projet grandiose :

 

« J’annonce le chaos ! »

 

Je ne suis pas

Quasimodo

 

Je ne suis pas

L’homme qui rit

 

Deux inventions

D’un écrivain français

 

(m’a-t-on dit)

 

Non, non, je suis le Joker

La mauvaise conscience

 

De Gotham City

Et j’annonce le chaos !

 

 


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Le personnage du Joker est bien plus fascinant que celui de Batman. Il est le nihilisme incarné. Le Joker le plus mémorable selon moi est celui interprété par Heath Ledger dans le film de Christopher Nolan (The Dark Knight).

L’homme qui rit, le roman de Victor Hugo, où le personnage principal est mutilé par des brigands quand il est enfant – ils « l’opèrent », ce qui le condamne à un « rire permanent » – semble avoir marqué Lautréamont – Maldoror se découpe lui-même avec un rasoir la commissure des lèvres pour essayer de rire comme tous les autres hommes –, Bob Kane, le créateur de Batman et du Joker ou James Ellroy (Le Dahlia noir). Frédéric Perrot.

 

Je fais un bien triste métier/Je suis un faussaire (Dominique A, pour Stéphanie)

mardi 3 août 2021

L'étranger (poème de Rainer Maria Rilke)


 

Insoucieux de l’opinion des autres

qu’il priait de cesser leurs questions,

il repartait ; perdait, abandonnait –.

Car il tenait à ces nuits de voyage

 

bien autrement qu’à toute nuit d’amour.

Il en avait vécu de merveilleuses

qui, tendues de puissantes étoiles,

écartaient les étroits horizons

et se déroulaient comme une bataille ;

 

d’autres qui, avec leurs villages dispersés

dans la lune, tels des butins qu’elles offraient,

se rendaient, ou bien montraient, derrière

des parcs soignés, des châteaux gris qu’il se plaisait

à habiter un moment dans sa tête

courbée, sachant de science plus profonde

que l’on ne reste nulle part ;

déjà il retrouvait, au prochain coude de la route,

des chemins, des ponts, des pays

jusqu’à des villes qu’on amplifie.

 

Et laisser tout cela de côté sans désir

lui était plus que tout plaisir,

que toute possession ou gloire.

Mais parfois, en des lieux étrangers,

il lui semblait que la marche d’une fontaine

que les pas creusent chaque jour

lui appartenait.

 

 

Rainer Maria Rilke, Nouveaux poèmes

Traduction : Lorand Gaspar.