Assez
de chants funèbres au milieu des décombres ! Le système dont nous dénonçons
la barbarie a été produit par l’homme, à l’encontre de ce qu’il y avait en lui
d’authentiquement humain.
Dans
l’infinitude des expériences auxquelles elle se livre, la vie a créé une terre
habitable, elle a réuni les conditions d’apparition et de disparition de
créatures aussi différentes que les dinosaures et le rameau néanderthalien de l’efflorescence
hominienne.
Foin
du fatras métaphysique qui a fait si longtemps mystère de cette exubérance
expérimentale dont nous sommes issus et dont nous faisons partie ! Car si
l’hominien n’est qu’un élément, parmi beaucoup d’autres, de cette vie dont la
nature est d’expérimenter sans relâche, c’est le privilège extraordinaire qui,
dans le brassage chaotique de la forge universelle, a été attribué à notre
espèce.
Nous
sommes partie prenante de cette vitalité partout à l’œuvre. Nous sommes dotés
de la faculté de nous créer et de recréer le monde, à l’image de cette vie que
la transformation de notre potentiel créatif en force de travail va déformer en
une représentation caricaturale et monstrueuse, en une entité extraterrestre,
en un Dieu dévoreur d’énergie auquel la force vive des femmes et des hommes sera
méthodiquement sacrifiée.
Nos
ancêtres, obéissant à un choix douteux, furent les fauteurs d’une expérience
malencontreuse (pour fondamentale qu’elle fût, elle n’est pas le seul exemple d’une
orientation autodestructrice : la fission de l’atome en est un autre). Ils
ont substitué à une société évoluant en symbiose avec la nature une économie de
pillage et de viol, une société criminelle, dénaturant nature terrestre et
nature humaine. Les vouer aux gémonies ne ferait que prendre à contre-pied ces apologistes
de la société patriarcale qui, de Gilgamesh aux historiens et aux archéologues,
professent que l’invention de l’agriculture et du commerce « offrait »
la plus sûre garantie d’un bien-être pour tous.
Nous
continuons d’avoir le mal d’un pays que nous ne connaissons pas, parce que nous
n’avons jamais résolu vraiment de l’explorer.
Extrait
de la quatrième de couverture :
Raoul
Vaneigem, né en 1934, est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Traité
de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (Gallimard, 1967) et Histoire
désinvolte du surréalisme (réédition Libertalia, 2013). L’on constatera
dans ce petit essai poétique et politique qu’il n’a rien perdu de sa pugnacité.
Une prose explosive qu’il met au service de la révolution et de la sauvegarde
de la planète, ici et maintenant.