L’existence du sommeil est un matelas
désossé.
pour Clavig
Abolissant
les distances, l’escalier du rêve à mesure que ses degrés se forment, entraîne
dans son sillage le promeneur égaré qui en une nuit ancienne a posé le pied sur
la première de ses marches et depuis lors emporté par son mouvement perpétuel
et propre à donner une idée fausse sans doute de l’infini, contemple des
étendues glacées, des immensités de ruines, des paysages désolés.
l’autre nuit je t’ai entendue dans la pièce
du fond pendant de longues heures le cœur débordant de haine j’avais observé
les lumières à tes fenêtres en attendant de pouvoir pénétrer d’une façon ou
d’une autre dans ton immeuble il n’y avait sur le parking que quelques voitures
un couple d’étudiants parfois entrait dans l’un des immeubles de la résidence
et je ne pouvais me retenir de penser à ce qu’ils allaient faire et je ne
pouvais me retenir de baisser honteusement les yeux
Parfois sur
l’une des marches de l’escalier du rêve traîne encore dans la poussière quelque
objet dont l’usage s’est perdu et le promeneur résistant au mouvement perpétuel
et propre à donner une idée sans doute fallacieuse de l’infini qui l’emporte
dans son sillage à mesure que les degrés se forment et que s’abolissent les
distances, s’attarde à regarder cette pauvre chose sans nom, ce résidu des
temps anciens, cette insignifiante relique.
l’autre nuit je t’ai entendue dans la pièce
du fond tes cris et tes soupirs me déchiraient jamais avec moi n’est-ce pas
cela n’avait été ainsi jamais avec moi n’est-ce pas tu n’avais crié et soupiré
ainsi j’ignorais même que ton lit grinçait n’est-ce pas et j’ignorais même
n’est-ce pas que tu pouvais prononcer de telles obscénités et à mesure que
j’avançais dans l’obscurité s’imposait à moi l’idée de ce que je devais faire
Parfois
aussi terriblement s’interrompt le mouvement perpétuel et propre à donner une
idée de l’infini sans doute fausse et le promeneur immobile qui tremble de
froid et se sent envahi par une angoisse indistincte, se retient de jeter un
regard dans l’abîme immense au-dessus duquel est tendu l’escalier du rêve, se
retient de céder à son vertige, se retient de s’y abandonner en songeant que ce
ne serait encore qu’une fin douteuse
l’autre
nuit je t’ai entendue dans la pièce du fond tes cris et tes soupirs me
déchiraient jamais avec moi n’est-ce pas jamais avec moi n’est-ce pas et à
mesure que brisé je reculais dans l’obscurité s’imposait à moi la pensée que
jamais n’est-ce pas je ne ferais ce que je devais faire et que pour moi
commençaient des temps terribles où j’allais contre moi-même retourner toute
cette haine
Le texte écrit au
début des années 2000 m’a été inspiré par les photographies de deux installations
artistiques de l’ami Clavig baptisées « L’existence du sommeil » et « L’escalier
du rêve ». Il appartenait à cette époque à un « triptyque » sur
le thème de la jalousie (La rumeur, L’escalier du rêve, La jalousie…). Frédéric
Perrot
Pour lire La rumeur
et La jalousie :
http://beldemai.blogspot.com/2019/03/la-rumeur-avec-un-dessin-deric-doussin.html
http://beldemai.blogspot.com/2018/11/la-jalousie-accompagne-dun-dessin-deric.html
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