dimanche 21 juillet 2024

Laura Vazquez, La semaine perpétuelle (un extrait, pour Rosanne)

 



Chaque semaine, la grand-mère regardait une émission de femmes qui accouchent. Les femmes s’allongeaient devant les membres du jury, elles relevaient leurs jupes. Les membres du jury prenaient des notes, ils observaient l’intérieur de ces femmes avec une loupe. Les femmes écartaient leurs jambes, elles poussaient, les bébés finissaient par naître.  Si le bébé était mort, c’était un mauvais point. Si le bébé était bleu ou rouge, c’était un mauvais point. Si le cordon l’étranglait, c’était un mauvais point. Mais si le bébé était beau, c’était gagné. S’il avait des cheveux, c’était gagné. S’il n’était pas gluant, c’était gagné. Si le bébé souriait, on applaudissait. Les mères préparaient l’émission des mois à l’avance, elles parlaient aux fœtus à travers le ventre, elles leur demandaient de sourire et d’être en bonne santé, de remuer les jambes. Si le bébé avait un corps proportionné, réglementaire, c’était gagné. Le président du jury annonçait : On continue l’aventure. Si le bébé pleurait, c’était logique, mais ce n’était pas conseillé. On tolérait. Si le bébé pleurait longtemps, c’était un mauvais point, on coupait le micro. Une voix grave prononçait les mots : Au revoir. Si la mère était belle, si elle était maquillée, si elle était coiffée, c’était un bon point. Les membres du jury la félicitaient, ils lui faisaient des compliments, ils regardaient la caméra et ils disaient : Elle a compris le principe de l’émission. Si la mère poussait en souriant, si elle poussait en riant, si elle poussait sans transpirer, si elle poussait sans crier, si elle poussait sans pleurer, elle pouvait rester. Quelqu’un disait : On continue l’aventure. Quand la mère était laide, on n’applaudissait pas, on n’applaudissait rien, ni elle ni le bébé. Les membres du jury avaient une expression de gêne et de désolation. Leurs bouches se dirigeaient vers le bas du visage et ils l’éliminaient. Le public sifflait. Si la mère mourait, c’était un mauvais point, on ne la filmait plus, et on ne filmait pas l’enfant. Même en vie, on ne le filmait pas. Il avait tout perdu. La caméra se concentrait sur les membres du jury. Ils étaient touchés, on leur apportait des mouchoirs qu’ils tapotaient contre leurs joues. Des notes aiguës de piano accompagnaient la scène. Un membre du jury disait : On doit continuer. Ils utilisaient l’expression : Ne rien lâcher. Et la chanson The Show must go on était diffusée à fond. Les membres du jury se prenaient dans les bras puis ils dansaient. Ils levaient le poing dans les airs et le public tendait les bras vers la lumière. Si le père était présent, c’était un bon point. Si la mère était lesbienne et que l’autre mère était présente, c’était un très bon point. Les membres du jury employaient le mot : Diversité, et l’expression : Comme tout le monde. Le président du jury félicitait les parents : On continue l’aventure. Si le père ou l’autre mère embrassait la mère accoucheuse, on applaudissait. Les membres du jury penchaient la tête à droite ou à gauche en signe de tendresse. Les visages étaient filmés sur une musique de carillons et tout le monde souriait. Tout le monde touchait les mains de tout le monde. Tout le monde caressait les épaules et le dos de tout le monde. S’il n’y avait pas de père et pas d’autre mère, c’était un bon ou un mauvais point, ça dépendait de la mère, ça dépendait de sa coiffure, de sa tenue, de son allure. Est-ce que le deuxième parent avait bien fait de la quitter ? Est-ce qu’on pouvait comprendre ? Le jury décidait. Les jurés notaient des choses sur leurs tablettes puis ils traçaient un grand cercle et ils finissaient par un point au milieu de l’écran. Quand le placenta tombait, c’était un bon point, on applaudissait. Quand le placenta restait dans le ventre, c’était un mauvais point, à cause des complications, à cause des objets métalliques qu’il fallait utiliser. La scène n’intéressait personne, trop longue, trop compliquée. On coupait le micro, on annonçait la suite. Si la mère caressait son bébé, c’était un bon point, les membres du jury applaudissaient, ils faisaient oui de la tête. Le président du jury employait les expressions : Moment de vie, et : Créer du lien. Si la mère regardait son bébé et qu’elle le trouvait laid, on le voyait sur sa figure, c’était un mauvais point. Les bébés laids se faisaient siffler. Les mères qui n’aimaient pas leurs bébés se faisaient huer, on leur jetait des chaussures, on leur mettait des pouces vers le bas. Un jour, un bébé est sorti presque mort du ventre de sa mère. Ses yeux étaient ouverts, mais il ne bougeait pas. Un membre du jury l’a pris dans ses mains, il l’a soulevé, et il a dit : Tu veux vivre ou non ? Oui ou non ? On a besoin de savoir, mais le bébé n’avait pas donné de réponse. La mère avait pleuré sans sourire. Alors, les membres du jury ont exprimé une grimace personnelle selon leur type de figure. Ils ont remué leurs têtes, et le président s’est adressé à la mère, il a dit : Le suicide est la première cause de mortalité des femmes dans l’année qui suit l’accouchement, faites attention, c’est statistique.

 

 

Laura Vazquez

La semaine perpétuelle

Editions du sous-sol

jeudi 18 juillet 2024

De liesse et de calme (pour Kelig)


Le sommeil s’est enfui par le soupirail… Fête de sous-préfecture. Buvettes, sandwichs, drapeaux, lampions. Les feux d’artifice font la chasse aux étoiles filantes. Pourquoi veulent-ils tuer le ciel ? demande l’enfant avec angoisse. Mais le vacarme du bouquet final est tel, que nul n’entend sa timide question. Puis la foule lasse se disperse mollement, par grappes, par vagues, sous le regard impavide des forces de l’ordre, dont chacun peut admirer l’équipement et les armes de guerre.

La nuit est paisible et silencieuse, comme après une défaite. Aux premières heures de l’aube, des cris se font entendre en provenance de la cave, où l’étranger en situation irrégulière a trouvé refuge. Monté sur des caisses, il secoue en hurlant les barreaux du soupirail. Le scandale est rapidement étouffé sous les gaz et les coups de matraques. Le maire interrogé par la presse locale se félicitera le lendemain de cette atmosphère de liesse et de calme, que nul incident n’est venu troubler.

 

 

                                                                               Frédéric Perrot

mercredi 17 juillet 2024

Paul Verlaine, Beams

 

Eric Doussin


Elle voulut aller voir les flots de la mer,

Et comme un vent bénin soufflait une embellie,

Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,

Et nous voilà marchant par le chemin amer.

 

Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse,

Et dans ses cheveux blonds c’étaient des rayons d’or,

Si bien que nous suivions son pas plus calme encor

Que le déroulement des vagues, ô délice !

 

Des oiseaux blancs volaient alentour mollement,

Et des voiles au loin s’inclinaient toutes blanches.

Parfois de grands varechs filaient en longues branches,

Nos pieds glissaient d’un pur et large mouvement.

 

Elle se retourna, doucement inquiète

De ne nous croire pas pleinement rassurés ;

Mais nous voyant joyeux d’être ses préférés,

Elle reprit sa route et portait haut la tête. 

 


 

Le poème est le dernier poème du recueil de Paul Verlaine, Romances sans paroles (1874).


mardi 16 juillet 2024

L'ailleurs s'étend (sur Dévore l'attente de Laurent Bouisset)


 

                                   Mais pas de pause

                               Et surtout

                               Pas de fin à ce début

                               L’ailleurs s’étend

                                                      (Laurent Bouisset, Coltrane)

 

 

Dévore l’attente, le premier livre de Laurent Bouisset (né en 1981) et publié par Patrice Maltaverne aux éditions Le Citron Gare, peut être vu comme une anthologie. Onze années d’écriture et d’efforts poétiques se trouvent ramassées dans quelques quatre-vingts pages et de l’aveu même de l’auteur, il ne s’agit pas d’y chercher une cohérence particulière. Je tenterai donc seulement ici d’indiquer quelques lignes de force ou quelques lignes de fuite.

 

Ce sera un premier point : il est en effet bien souvent question de fuite et d’ailleurs dans ces pages. Les indications données par l’auteur sur ses différents lieux d’écriture sont à cet égard éclairantes (Mexique, Bosnie, Guyane, Guatemala).

Laurent Bouisset écrit au fil de ses voyages ; mais ce n’est pas un regard de touriste ou de routard imbécile qu’il pose sur les pays et les hommes qu’il découvre, c’est celui d’un homme bouleversé par la misère et la violence du monde : « J’ai vu à Santiago de Atitlan/Un jeune homme de quinze ans/Perdre face et sa dignité ». Le font « pleurer » « Deux petits vieux costaricains/Le ventre vide et les yeux doux ».

Au contraire de celui du touriste, le regard de Laurent Bouisset est attentif et sensible ; il traque le concret et la beauté de la vie même au cœur des villes martyrisées par la guerre. À Mostar, en Bosnie-Herzégovine, l’amusent et l’enchantent « plusieurs chats » « rouquins blancs noirs » qui « vont » » « en quête d’une tête de poisson » et la « ronde d’enfants farceurs autour ».

Et à cet instant, le voyage se fait expérience spirituelle et poétique : « le vent dans le/ tilleul me dit que je suis libre »

 

Sans musique la vie serait une erreur. La phrase est célèbre et ce sera mon second point. La musique s’invite à plusieurs reprises dans Dévore l’attente et il y ainsi un long hommage lyrique à John Coltrane et au jazz le plus free, tandis que dans un autre poème, en quelques lignes qui m’amusent, sont évoqués les turbulents Red Hot Chili Peppers ; un goût que l’on n’est pas obligé de partager !

Plaisanterie mise à part, l’important est que pour Laurent Bouisset, la musique est une expérience totale, qui implique tout l’être jusqu’à « l’exténuation », une expérience mystique, osons le mot : « Brûler/Sentir/Couler/Nager dans la lumière ».

John Coltrane, tel qu’il nous est présenté, est à la fois cet homme qui par moments voudrait « poser ce chaos-là nommé saxo », qui est conscient du racisme crasse de ses auditeurs qu’il souhaiterait « frire au free », à qui « la vie » « fait horreur » mais qui lancé à la poursuite de la beauté, se transcende dans sa musique : « Que mes peines mes liquides mes joies/N’en soient plus qu’une/D’eau claire/Que cette eau claire s’appelle musique/Et qu’elle vous siée ».

 

Mon troisième point concernera la révolte. La révolte est l’honneur des poètes et des hommes. Comme l’écrivait Albert Camus : « Je me révolte, donc nous sommes. ». Laurent Bouisset laisse à d’autres « la guimauve » poétique. Ce n’est pas son propos. Il est un poète volontiers agressif.

Il s’agit de rappeler dans des pages où éclate souvent une belle « rage » imprécatoire « à quel point » « la torpeur » est « le cancer le pire ». De réveiller et de secouer ceux qui ne souhaitent que dormir et qui sont les plus nombreux. Et cela, même si « Crier c’est tout seul ». Et cela, même si on est les « fils » de ses « murs »… Et cela, même si le quotidien n’est parfois qu’un « riz gluant » où l’on est « trop occupé » (dans le poème On a rien dit)

Au crible de cette révolte, tout y passe. Le vitriol éclabousse violemment sans compter. À commencer par la France (« ce tout petit pays de colons riches »), sa police (« le fascisme lâche et la bien faible éducation d’un flic européen ») et son administration dans le beau et sombre Poème cousu.

La France, le Paris « chic » aux « tympans fatigués », avec ses « salons merdeux du XVIIème », le monde d’ici, sa « gueule », son « pus », tout étouffe et la révolte vissée au corps se résout dans le désir de l’ailleurs, le désir du départ : « comme si finalement toucher le cœur des choses c’était/partir ».

À cet endroit, on pourrait rétorquer à l’auteur, dont la rage et le fiel sont réjouissants, contagieux, que la médiocrité consumériste béate n’est en rien une spécialité française ou même parisienne. Qui a vu Londres par exemple, cet enfer grouillant, sait que Paris n’est finalement en comparaison qu’un village bien sympathique !

Laurent Bouisset me semble donc plus inspiré quand il évoque sobrement les malheureux de partout, le petit Felipe qui « s’en fout d’écrire ou de jouer », qui « voudrait » que « son alcoolique de père » « dise qu’il est né ». Et le sort qui leur est fait. Car tout le travail du petit Felipe consiste à « rameuter dans le vent froid/des touristes indécis vers un resto » et c’est un véritable crève-cœur que « de percevoir en lui tant d’innocence ».

Délaissant l’aigreur, la révolte se fait alors humaniste dans le sens le plus noble de cet adjectif.

 

Dans sa pièce Sallinger, Bernard-Marie Koltès fait dire à l’un de ses personnages : « Peut-être, mais que voulez-vous ? Moi, je n’ai appris à parler qu’à la première personne ; et comment désapprendre cela ? ». Ce sera mon quatrième point.

Laurent Bouisset écrit en son nom propre, à la première personne. Son écriture est essentiellement autobiographique. Laurent Bouisset écrit à partir de son expérience vécue. Ce sont donc ses voyages, ses escapades en « camionnette » avec son « beau-père », ses goûts, ses emballements, ses hargnes et ses doutes (« pas sûr du tout de/ce que je bafouille »), en particulier ceux d’un homme conscient de toutes les horreurs du monde dans l’émouvant Problème. 

Les risques de l’écriture autobiographique sont connus, répertoriés : l’excessive sincérité – la sincérité étant la belle excuse que se donnent tant de poètes pleurnichards –  la complaisance et l’impudeur… Car il est des poèmes dont on sort gêné pour l’auteur.

Laurent Bouisset évite ces écueils par la force et la rigueur de son écriture qui transfigure son expérience vécue. L’ignoble complaisance de la poésie personnelle est absente de ces pages. C’est la réalité brutale, violente qui intéresse l’auteur.

Et, si la matière remuée est souvent sombre, elle est travaillée, ciselée, pour être offerte poétiquement au lecteur…  

Laurent Bouisset se sort (« je me suis extirpé ») de son « bourbier de doutes » par l’humour également ; cette grâce, cette liberté qu’ignoreront toujours les poètes qui ne sont que sincères. Ce sera mon dernier point.

Dans plusieurs poèmes (Java, Je vous fais une passe), Laurent Bouisset maltraite en effet la langue avec bonne humeur et nous rappelle que la France est aussi, ce qu’on oublie souvent, le pays de Rabelais, du gros rire gras de Balzac, des zut et des merde crachés par le voyou de Charleville et des éructations d’une irrésistible drôlerie du grand Louis-Ferdinand. (1)

Si, dans certains poèmes (Flor rugosa, L’œuf intact) sa langue peut être sèche et minérale à la limite de l’hermétisme, on retiendra de ces poèmes dynamiteurs (« D’exploser puissamment le cercle ! ») le mélange des registres, le bilinguisme revendiqué (« et je me dis que je suis incapable/là/ de me contenter d’une langue »), l’anarchisme typographique, la recherche d’une expression vivante (« le basket » et le « dribble » comme métaphore !), l’oralité amusante (« l’envie redéboule grave et fait cow-boy »), le franc mauvais goût de certaines images (« commencer par un gros carton des étoiles/connes »), le délire verbal, l’irrespect élevé au rang des vertus (« M’emmerdent les mots ! Je jette la feuille ! »), ainsi qu’une certaine insistance scatologique qui n’eût déplu à aucun des illustres anciens déjà évoqués !

Tout ceci constitue évidemment une attaque en règle, un attentat fomenté contre une certaine idée très française de la poésie, telle qu’elle est encore hélas professée par de « tout petits cloportes et vaniteux théoriciens du texte », à la face desquels il s’agit bien de faire exploser un « fruit gigantesque » et le rire !

Et, si le rire, qui selon Rabelais est le propre de l’homme, n’est pas toujours possible – la misère, la souffrance et la mort de l’autre – quand il éclate, il est, comme les voyages, la musique, la révolte, l’écriture, libérateur.

 

       Sur cet adjectif, je finirais. Laurent Bouisset ne peut se résoudre à ce que partout sur cette planète l’homme soit oppressé, écrasé par le malheur et les ultimes mots de sa Fredaine bosniaque, qui conclut le livre, sont aussi un appel à l’amour de la vie et à l’espoir :

 

« oui le vent me le/ dit qu’un jour ou l’autre nous mugirons de/joie – il pleuvra vert – nous serons nus – le/souvenir de la guerre aura quitté la chair/et l’eau – sans compter nous aimerons – ce/sera l’heure – nous verrons clair » 

 

 

1- Céline s’inscrivait clairement dans cette lignée rieuse, à laquelle il faudrait peut-être ajouter François Villon. Il est le seul écrivain français en son siècle à se réclamer de Rabelais, qui ne semble aimé que par les grands romanciers étrangers (Witold Gombrowicz, Milan Kundera)

 

 

                                          

                                                  Dévore l’attente de Laurent Bouisset

                                                         (Illustrations d’Anabel Serna Montoya)

                                                                     Editions Le Citron Gare



                                           Le texte a été écrit en novembre 2015. Frédéric Perrot

vendredi 12 juillet 2024

Au bout de la folie (Shutter Island, Denis Lehane, Martin Scorsese...)

 


Oscar Wilde, Aphorismes (notes au fil de la lecture)

 


      Il n’existe qu’une certitude définitive sur la nature humaine, elle est changeante.

 

Les comédiens ont bien de la chance. Ils peuvent choisir de jouer dans une tragédie ou dans une comédie, de souffrir ou de se divertir, de rire ou de verser des larmes. Ce qui est différent de la vie réelle. La plupart des hommes et des femmes sont obligés d’y tenir des rôles pour lesquels ils n’ont aucune qualification. Le monde est une scène de théâtre, mais les rôles ont été mal distribués.

 

Aux yeux de quiconque a lu l’Histoire, la désobéissance est la vertu originelle de l’homme. La désobéissance a permis le progrès – la désobéissance et la rébellion.

 

Recommander aux pauvres d’être économes est à la fois grotesque et insultant. Cela revient à conseiller à un homme qui meurt de faim de manger moins.

 

Une cause n’est pas nécessairement vraie parce qu’un homme meurt pour elle.

 

Les présages n’existent pas. Le destin ne nous envoie pas de messagers. Il est bien trop avisé ou cruel pour cela.

 

Les idéaux sont choses dangereuses. Il vaut bien mieux se confronter aux réalités. Elles blessent, mais elles sont bien meilleures.

 

Rien n’est aussi dangereux que d’être trop moderne. On a tendance à devenir vieux jeu sans s’en rendre compte.

 

L’âme est vieille à la naissance mais rajeunit. C’est la comédie de la vie. Le corps est jeune à la naissance et vieillit. C’est la tragédie de la vie.

 

Je ne pense pas que l’homme ait de grandes capacités de développement. Il est allé aussi loin qu’il le pouvait, ce qui n’est pas bien loin.

 

La vie nous fait payer trop cher ce qu’elle nous offre, et le plus insignifiant de ses secrets doit être acheté un prix exorbitant et infini.

 

On peut résister à tout sauf à la tentation.

 

Un sentimental est un homme qui donne à tout une valeur absurde et qui n’a aucune idée du prix de quoi que ce soit.

 

La ponctualité est une voleuse de temps.

 

Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles.

 

Pour un homme ou une nation, le mécontentement est le premier pas vers le progrès.

 

Quelle est la différence entre le journalisme et la littérature ? Le journalisme est illisible et la littérature n’est pas lue.


Plus je vis et plus je suis persuadé que tout ce qui était bon pour nos pères ne l’est pas assez pour nous. En art, comme en politique, « les grands-pères ont toujours tort ».

 

L’idéal moderne est un homme parfaitement bien informé. Et l’esprit d’un homme parfaitement bien informé est une chose terrible. Il ressemble à une boutique de bric-à-brac, rien que des monstres et de la poussière, chaque chose marquée d’un prix bien supérieur à sa valeur réelle.

 

La valeur d’une idée n’a absolument rien à voir avec la sincérité de l’homme qui l’exprime.

 

L’éducation est une chose admirable, mais il faudrait parfois se rappeler que rien de ce qui vaut la peine d’être connu ne peut s’enseigner.   

 

Il est tout à fait erroné de croire, comme le font beaucoup de gens, que l’esprit d’une personne se révèle dans son visage. Le vice s’inscrit parfois dans les lignes et leurs modifications, mais c’est tout. Notre visage est en réalité un masque qui nous a été donné pour dissimuler notre esprit.

 

Aujourd’hui les gens connaissent le prix de tout et la valeur de rien.

 

Révéler l’art et dissimuler l’artiste, tel est le but de l’art.

 

On devrait toujours être légèrement improbable.

 

Il est tragique de voir qu’aujourd’hui, en Angleterre, il y a tant de jeunes gens qui démarrent dans la vie avec les meilleures espérances et qui finissent par embrasser quelque profession utile.

 

 

 

Oscar Wilde, Aphorismes

Traduction de Bernard Hœpffner (avec la collaboration de Catherine Goffaux)

 

jeudi 11 juillet 2024

René Char, La liberté


 

Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l’issue de l’aube que le bougeoir du crépuscule.

Elle passa les grèves machinales ; elle passa les cimes éventrées.

Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l’alcool du bourreau.

Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s’inscrivit mon souffle.

D’un pas à ne se mal guider que derrière l’absence, elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne blanche.  


jeudi 4 juillet 2024

Retour à l'âge de pierre (avec le RN)

Juin, Charlie Hebdo, 3 juillet 2024

Une super production Europe 1, CNews, digne de Stanley Kubrick. « Un chef-d’œuvre » (Le Figaro). « Un film qui donne à penser » (Le Point). « Notre coup de cœur » (Causeur). « Simplement génial » (Valeurs actuelles). Avec dans le rôle des primitifs, plus vrais que nature : Marine, Marion, Jordan...