Stéphane Charbonnier, dit Charb (1967-2015) |
Nos rêves sont enfin aussi beaux
Que des images de synthèse
Nous n’avons plus des rêves de pauvres
Ou de quidams en proie à leurs problèmes
Leurs désirs leurs échecs
Bâtisseurs de labyrinthes
Nous sommes des rêveurs d’élite
Tueurs automatiques dans des tours au Bengale
Amants fatals chevauchant
Dans des multivers analogiques
Fols dépeceurs de trous noirs
Comparés aux générations précédentes
Nous avons le privilège insigne
D’être reliés à nos jeux et à nos machines
Jusque dans notre sommeil amniotique
Les machines à illusions
est le titre d’un roman de Philip K. Dick. Le poème appartient au recueil
autoédité Les Fontaines jaillissantes (avril 2021). Frédéric Perrot.
Le mort est crispé contre terre et ses
yeux ne voient pas
les
étoiles :
ses cheveux sont collés au pavé. La nuit
est plus froide.
Les vivants rentrent à la maison et en
tremblent encore.
On ne peut pas les suivre ; ils se dispersent
tous :
l’un monte un escalier, l’autre va à la
cave.
Certains marchent jusqu’à l’aube et se
jettent dans un
pré,
en plein soleil. Demain en travaillant, il
y en a
qui auront un rictus de désespoir. Puis ça
aussi passera.
Quand ils dorment, ils sont pareils au
mort : s’il y a une
femme,
les odeurs sont plus lourdes mais on
dirait des morts.
Chaque corps se cramponne, crispé, à son
lit
comme au rouge pavé : la longue peine
qui dure depuis l’aube vaut bien une brève
agonie.
Sur chaque corps s’englue une obscurité
sale.
Seul de tous, le mort est étendu aux étoiles.
Il a aussi l’air mort cet amas de haillons
appuyé au muret, que brûle le soleil.
C’est faire confiance au monde que dormir
dans la rue.
Entre les haillons pointe une barbe que
parcourent
des mouches affairées ; les passants
vont et viennent dans
la
rue,
comme des mouches ; le clochard est
un fragment de rue.
La misère, comme une herbe, recouvre de barbe
les rictus et donne un air tranquille. Ce
vieux-là
qui aurait pu mourir crispé dans son sang
a l’air au contraire d’une chose et il
vit.
Ainsi, à part le sang, chaque chose est un
fragment de rue.
Et pourtant, les étoiles ont vu du sang
dans la rue.
Cesare Pavese, Travailler fatigue
Traduction de Gilles de Van.
Eric Doussin, Oiseleur (22/10/2015) |
Pour
Rachel,
Dans
l’un de ses romans
Honoré
de Balzac
Salue
la patience et la ruse
Grâce
auxquelles les oiseleurs
Saisissent
les oiseaux
Les
plus défiants
Telle
est mon enseigne
La
phrase écrite en lettres rouges
Au
front de ma boutique
Patient
et rusé
Je
le suis
Jamais
je ne lâche une proie
Avant
qu’elle ne soit
Ma
captive
J’aime
les espèces rares
Et
par principe néglige
Tout
ce qui est commun
Les
ignobles pigeons
Les
rouges-gorges les moineaux
Dont
abusent des concurrents
Moins
scrupuleux
Que
moi
Il
est vrai que je préfère
Les
oiseaux nocturnes
Et
mes chasses utilement m’occupent
Pendant
les sombres heures
De
mes insomnies
Dans
mes rêves
J’attrape
des oiseaux que je ne verrai jamais
Les
harfangs
Ces
reines blanches
Des
régions enneigées
Partir
m’est impossible
Je
ne peux négliger mon commerce
Ma
boutique
Et
certains soirs
Ivre
de rancœur
Mélancolique
Je
songe à des massacres
D’une
plus grande ampleur
Que
dans ma pratique
Elle était déchaussée, elle était
décoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi les joncs
penchants ;
Moi qui passais par-là, je crus voir une
fée,
Et je lui dis : Veux-tu t’en venir
dans les champs ?
Elle me regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous en
triomphons,
Et je lui dis : Veux-tu, c’est le
mois où l’on aime,
Veux-tu nous en aller sous les arbres
profonds ?
Elle essuya ses pieds à l’herbe de la
rive ;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre alors devint pensive.
Oh ! comme les oiseaux chantaient au
fond des bois !
Comme l’eau caressait doucement le
rivage !
Je vis venir à moi, dans les grands
roseaux verts,
La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant au
travers.
Source image : Gallimard
Maison natale de Paul Appell |
Dans le cadre des mercredis de la poésie, le
F.E.C. a le plaisir de vous inviter à découvrir deux plumes : Sylvie Villaume
plasticienne et auteur et Barbara Digot-Frieden poétesse. À la fin de leurs
présentations elles dédicaceront leurs livres respectifs.
Sylvie Villaume
Barbara Digot-Frieden
Mercredi premier décembre à 18h30.
F.E.C. 17 place Saint-Etienne
Pour
toutes les informations sur le concert :
Un feu distinct m’habite, et je vois
froidement
La violente vie illuminée entière…
Je ne puis plus aimer seulement qu’en
dormant
Ses actes gracieux mélangés de lumière.
Mes jours viennent la nuit me rendre des
regards,
Après le premier temps de sommeil
malheureux ;
Quand le malheur lui-même est dans le noir
épars
Ils reviennent me vivre et me donner des
yeux.
Que si leur joie éclate, un écho qui
m’éveille
N’a rejeté qu’un mort sur ma rive de
chair,
Et mon rire étranger suspend à mon
oreille,
Comme à la vide conque un murmure de mer,
Le doute, – sur le bord d’une extrême
merveille,
Si je suis, si je fus, si je dors ou je
veille ?
Je remercie Chris Talazac pour la publication de mon poème
Scènes de chasse sur son site Le Monde de Poetika. Sur le thème de la « Guerre »,
en ce 11 novembre, cela semble particulièrement approprié.
Un grand merci également à l’ami Eric Doussin pour le dessin
accompagnant le poème et son portrait si ressemblant ! Frédéric
Perrot
Pour voir la publication :
http://www.poetika17.com/poemes/Frederic-Perrot-scenes-de-chasse.html
Une femme fumait au seuil d’une boutique
Guettant la procession à l’angle de la rue
Main sur la hanche gauche, elle attendait
mutique
Au soleil, elle semblait par son ombre
tenue
C’était un jour d’avril ; sur le sol
en damier
Des vieilles devisaient ; autour, des
enfants
Couraient après des chats et l’odeur de
l’encens
Montait, lourde, à la tête et faisait
suffoquer
La musique pleurait en agitant ses chaînes
Mimait la pénitence et des larmes de sang
Epaisses lui échappaient et couraient sur
ses flancs
Brûlant de ranimer les douleurs anciennes
Les vagues remuaient des histoires
lointaines
Où des bateaux gavés d’or hantaient
l’océan
Et la femme fumait, et l’odeur de l’encens
Montait, lourde, en son âme où
cliquetaient des chaînes
Semana Santa
La chanson figure sur l’album
de Dominique A, Eléor (2015).
Pour écouter la chanson :
Le charme de la ritournelle
Si
le sens général de la chanson reste pour moi assez mystérieux, j’aime l’idée du
dialogue entre un fils et son père. C’est un récit, une fiction. Le fils est
peut-être un soldat. Il veut changer de « nom », il interpelle son
père à ce sujet, car celui qu’il « porte » est
« recouvert » de « peur », de « saleté », de
« lâcheté » et de « honte ». Le fils voudrait renaître, si
je puis dire, dans un autre corps et avec une autre personnalité, un « visage »
« juste » « cette fois » et « un esprit » «
calme ». Le père qui l’a « verrouillé » dans « ce
corps », lui suggère qu’il peut au choix « l’utiliser comme une
arme » « ou pour faire sourire quelques femmes ». On notera en
passant l’irone discrète de ce conseil paternel si libéral ! Le père
semble à la fin se justifier (« Je ne me suis jamais détourné », « Je
ne suis jamais parti ») et laisse entendre à son fils qu’il est libre et qu’il n’a plus besoin de lui
depuis longtemps. C’est lui le fils qui a « construit le temple » et
qui a « recouvert » le « visage » du père. À ce moment, la
chanson peut faire songer à Story of
Isaac, sur le second album de Cohen, où le mythe d’Abraham est raconté du
point de vue du fils, celui que l’on s’apprête à sacrifier au sommet d’une
colline… Dans le contexte historique précis où elle est écrite – la guerre du
Sinaï, « pour les égyptiens et les israélites » – la dernière strophe
reste ouverte et peut sembler un appel ambigu
à la paix : « Puisse l’esprit de cette chanson »
« s’élever » « pur et libre ». « Puisse-t-il être pour
toi » « un bouclier contre l’ennemi ». Je ne dirai rien du
refrain, si simple, si beau, si mémorable, qui me paraît établir le contraste
avec la noirceur des couplets et participe au charme toujours renouvelé de la
chanson, de la ritournelle !
Le texte a été écrit en
janvier 2017. Frédéric Perrot
Pour regarder la vidéo à l’origine du
texte :
« La réalité, c’est
ce qui refuse de disparaître quand on cesse d’y croire. » (Philip, K.
Dick)
Contrairement
aux mythes répandus dans les romans, il ne se passe pas grand-chose dans un
service psychiatrique. Les malades ne dominent pas vraiment le personnel, et le
personnel n’est pas vraiment en train de tuer les malades. Pour l’essentiel, on
lit ou on regarde la télé, ou on reste assis à cloper, ou on essaie de
s’allonger sur une banquette et de dormir, ou on boit du café, ou on joue aux
cartes, ou on marche, et trois fois par jour on mange sur un plateau. C’est
l’arrivée des plateaux qui marque le passage des heures. En fin de journée, les
visiteurs débarquent et ils ont toujours le sourire aux lèvres. Les
pensionnaires d’un établissement psychiatrique se demandent toujours pourquoi
les gens qui viennent de l’extérieur ont le sourire. Pour moi, ça reste un
mystère.
Les
médicaments sont distribués parcimonieusement, à intervalles irréguliers, dans
de petits gobelets de carton. Tout le monde a droit à sa dose de Thorazine plus
quelque chose d’autre. Ils ne vous disent pas quoi, mais ils restent là à vous
regarder pour s’assurer que vous avalez vos pilules. Parfois, les infirmières
s’emmêlent les pédales et apportent le même plateau de médicaments deux fois de
suite. Les malades leur expliquent qu’ils ont déjà pris leurs remèdes il y a
dix minutes, mais ça ne fait rien, elles les leur refilent quand même. L’erreur
n’est découverte qu’en fin de journée, et le personnel refuse d’en discuter
avec les patients, lesquels trimbalent dans leur organisme le double de la dose
de Thorazine qu’ils sont censés avoir.
Je
n’ai jamais rencontré un interné, pas même chez les paranos, qui pense que
cette double distribution fasse partie d’une tactique délibérée d’abrutissement
des malades. Il est visible que les infirmières sont des connes. Elles ont déjà
assez de mal à distinguer qui est qui parmi les patients et à distribuer
correctement les gobelets. C’est que la population d’un service ne cesse de
changer ; des nouveaux arrivent et les anciens sont relâchés. Le vrai
danger, dans un service psychiatrique, est qu’on admette par erreur quelqu’un
qui a flippé à la P.C.P. La politique de nombreux hôpitaux psychiatriques
consiste à refuser les utilisateurs de P.C.P. et à obliger la police à se
charger d’eux. Personne n’a envie de s’occuper d’un type qui marche à la
P.C.P., et ça se comprend. Les journaux sont remplis d’histoires de dingues de
la P.C.P., qui, une fois bouclés, ont sectionné le nez de quelqu’un d’un coup
de dents ou se sont arraché les yeux.
P.C.P.
Abréviation de la phencyclidine. Il s’agit à l’origine d’un anesthésique qui,
répandu sur une feuille de menthe ou de cannabis, constitue la préparation
connue sous le nom d’angel dust.
Siva,
roman de Philip K. Dick
Traduit
de l’américain par Robert Louit.
Une
autre publication sur Philip K. Dick :
https://beldemai.blogspot.com/2019/05/sur-le-maitre-du-haut-chateau-de-philip_5.html
Les souvenirs
sont cors de chasse
Dont
meurt le bruit parmi le vent
Guillaume
Apollinaire, Cors de chasse
En mon jardin
secret
Comme dans
une chanson de John Cale
Il pleut du
Beaujolais sur les Champs-Élysées
Les lieux les
noms et les époques
Se confondent
dans un clignement d’œil
Ou peut-être
une larme
Et des chiens
courent sur la plage de Scheveningen
À Athènes
pour la première fois je vois des orangers
Et le ciel
mauve d’Avignon
Se dissipant
C’est l’Andalousie
Un rêve de
désert en Tunisie
Et les rouges
coquelicots
D’une île
danoise
Par une
après-midi
Heureuse
À vélo…
En mon jardin
secret
Comme dans
une chanson de John Cale
Les lieux les
noms et les couleurs
Se confondent
Dans un
clignement d’œil
Ou peut-être
une larme
Le poème appartient
au recueil autoédité Les heures captives (décembre 2012). La chanson de John
Cale évoquée est Paris 1919, sur l’album éponyme. Frédéric Perrot.
Pour écouter
la chanson de John Cale :
Musée d'Art Moderne de Strasbourg |
Tes
efforts demeurent lettres mortes. L’amour a fui au fil de l’eau. Semblable rêve
n’est plus possible.
À errer entre tes quatre murs, la tête
vide et le corps douloureux, tu crois te souvenir d’un prénom murmuré ayant la
saveur d’un printemps qui s’annonce, d’une peau fine couleur de désert qu’un
frisson parcoure, d’un bras à l’abandon sur le bord d’un drap froissé, de deux
yeux qui se ferment lentement dans l’étreinte.
Dans
un escalier laissant une impression de blancheur, tu rencontres une femme. Sa
chevelure noire tombe sur ses larges épaules, elle a la peau mate, son cou est
ridé, et en gravissant à pas lents les marches en faux marbre blanc, tu es
sensible au vif éclat de sa robe dont la frange sombre dans la poussière
s’étale. Sans prononcer un mot et comme si cela allait de soi, tu t’approches,
l’enlaces et commences à l’embrasser à pleine bouche en la poussant sans
violence contre le mur du palier. Mais tandis que tu l’embrasses, son visage
change, il se déforme sous tes yeux, il devient autre et tu t’écartes
légèrement. Tu ne ressens aucune peur alors que ses traits se convulsent sous
ton regard, et sans brusquerie aucune, d’un geste presque las, tu lui donnes un
coup pour faire tomber sa tête de son torse. La tête se décroche tout
naturellement, comme si elle n’était que posée et tu dois te pencher au-dessus
de la rampe de l’escalier pour la voir tomber au milieu d’un tas de chiffons et
d’autres saletés.
Le
couloir est sombre et deux filles dont ton dernier amour en date, à ton
approche s’enfuient en riant. Tu n’ignores pas ce à quoi elles étaient occupées
dans l’ombre complice et aveuglé par la jalousie, ton cœur battant dans ta
poitrine à te faire mal, tu te lances à leur poursuite. Tu les retrouves
serrées l’une contre l’autre dans l’angle formé par de hauts murs dont le plâtre
s’écaille, et à les regarder sans souffler mot, un instant elles te font songer
à deux enfants grelottants qui égarés dans une tempête de neige se soutiennent.
Ce n’est qu’une vision fugitive et sans fondement. Leurs visages proches à se
toucher comme deux masques grimaçants, elles rient de te voir si pâle, tremblant
de rage impuissante. Les mots de réconciliation que tu souhaiterais prononcer s’étranglent
dans ta gorge et tu sens tes bras retomber comme après un immense effort. Bouleversé,
tu pousses une porte et te retrouves dans une vaste salle éclairée où se
prépare une fête dont tu ne tardes pas à comprendre le genre. Tu es surpris d’y
rencontrer nombre de tes amis et de leur hâte à se déshabiller comme les
autres. Conscient de ton ridicule, tu erres parmi les convives, ne sachant où
poser ton regard et devant parfois retenir un rire nerveux. Tu n’as qu’un désir :
t’en aller, partir… Mais une jeune femme qui comme toi porte encore tous ses
vêtements et dont tu n’es pas certain qu’elle ne te prenne pas pour un autre,
accourt à ta rencontre en fendant la foule qui se presse autour de deux corps gigotant
sur le sol. Elle roule de grands yeux apeurés et son fin visage est tordu par
la souffrance. Pris au dépourvu, tu la serres dans tes bras. À demi-mots, elle te fait comprendre
qu’un homme de la soirée en a après ses longs cheveux noirs : par jeu ou
par vice, il veut les lui couper, et cela ne l’amuse pas, cela ne l’amuse plus…
Elle te demande de demeurer auprès d’elle. Veut-elle quitter la soirée ?
Tu l’assures que tu peux la raccompagner : tu n’es pas ici à ta place,
comme tu ne l’es nulle part… Elle s’y refuse pour quelque raison obscure et
disparaît dans une pièce attenante. Harcelé par un scrupule qui n’a pas de
raison d’être, tu négliges une soubrette venue t’offrir un cocktail et passes
dans l’autre pièce. Nue, avec les jambes écartées d’une façon qui te paraît
invraisemblable et dont tu songes qu’elle doit la faire souffrir, la jeune
femme est vautrée dans un large fauteuil en cuir où son corps chétif semble se
perdre… Elle pleure et répète d’une voix déchirante qu’elle ne veut pas, tandis
que derrière le fauteuil, se tient un homme qui penché et armé d’une paire de
ciseaux dont tu ne te souviens pas avoir jamais vu pareil modèle, est tout occupé
de lui couper les cheveux, dont de longues mèches épaisses, une à une, tombent
sur le sol…
Dans
un dédale de rues sales et humides, à l’aube, tu marches la tête basse. Tu ne
sais plus une fois encore où tu as pu te perdre et c’est sans importance. Pourtant,
il te semble que tu n’as pas toujours été cet être dénaturé qui fuit et
se fuit, que sans cesse harcèlent des souvenirs dont il n’est plus certain, que
sans cesse effraient de façon ridicule sans doute des visions, des coïncidences
que l’insomnie seule et le mauvais sommeil rendent frappantes, qui n’espère
plus rien, est indifférent, se livre lucidement à ce qu’il déteste… Quelque
chose a dû se briser, à un moment ou à un autre.
Le texte a été écrit au début des années 2000. Frédéric Perrot.
L’amour est un chien de
l’enfer est un recueil de poèmes de Charles Bukowski.
Extrait : « La
nuit où j’ai baisé mon réveille-matin »
une fois à Philadelphie
alors que la faim me montait au cerveau
et que j’avais une petite chambre
et que c’était entre chien et loup
je me tenais à ma fenêtre au 3è étage
toutes
lumières éteintes et je regardais plus bas
ce qui se passait dans la cuisine du 2è en
face
et je vis une superbe blonde
dans les bras d’un jeune mec l’embrassant à
pleine bouche comme si elle n’y avait pas
goûté depuis des lustres et je restai là à les
épier jusqu’à ce qu’ils se séparent.
puis je me retournai et j’allumai la lumière.
je contemplai la commode, les tiroirs ouverts
et sur la commode mon réveille-matin.
le prenant et l’emmenant
dans le lit avec moi
je le baisai jusqu’à ce que les bras m’en
tombent, puis je sortis et déambulai dans les
rues jusqu’à ce que mes pieds fussent couverts
d’ampoules, au retour j’allai immédiatement
à la fenêtre et je regardai dans la maison
d’en face mais la lumière dans la cuisine
était éteinte.
L’amour est un chien de l’enfer. Traduit de l’américain par
Gérard Guégan.
Autres
publications sur Charles Bukowski :