« La réalité, c’est
ce qui refuse de disparaître quand on cesse d’y croire. » (Philip, K.
Dick)
Contrairement
aux mythes répandus dans les romans, il ne se passe pas grand-chose dans un
service psychiatrique. Les malades ne dominent pas vraiment le personnel, et le
personnel n’est pas vraiment en train de tuer les malades. Pour l’essentiel, on
lit ou on regarde la télé, ou on reste assis à cloper, ou on essaie de
s’allonger sur une banquette et de dormir, ou on boit du café, ou on joue aux
cartes, ou on marche, et trois fois par jour on mange sur un plateau. C’est
l’arrivée des plateaux qui marque le passage des heures. En fin de journée, les
visiteurs débarquent et ils ont toujours le sourire aux lèvres. Les
pensionnaires d’un établissement psychiatrique se demandent toujours pourquoi
les gens qui viennent de l’extérieur ont le sourire. Pour moi, ça reste un
mystère.
Les
médicaments sont distribués parcimonieusement, à intervalles irréguliers, dans
de petits gobelets de carton. Tout le monde a droit à sa dose de Thorazine plus
quelque chose d’autre. Ils ne vous disent pas quoi, mais ils restent là à vous
regarder pour s’assurer que vous avalez vos pilules. Parfois, les infirmières
s’emmêlent les pédales et apportent le même plateau de médicaments deux fois de
suite. Les malades leur expliquent qu’ils ont déjà pris leurs remèdes il y a
dix minutes, mais ça ne fait rien, elles les leur refilent quand même. L’erreur
n’est découverte qu’en fin de journée, et le personnel refuse d’en discuter
avec les patients, lesquels trimbalent dans leur organisme le double de la dose
de Thorazine qu’ils sont censés avoir.
Je
n’ai jamais rencontré un interné, pas même chez les paranos, qui pense que
cette double distribution fasse partie d’une tactique délibérée d’abrutissement
des malades. Il est visible que les infirmières sont des connes. Elles ont déjà
assez de mal à distinguer qui est qui parmi les patients et à distribuer
correctement les gobelets. C’est que la population d’un service ne cesse de
changer ; des nouveaux arrivent et les anciens sont relâchés. Le vrai
danger, dans un service psychiatrique, est qu’on admette par erreur quelqu’un
qui a flippé à la P.C.P. La politique de nombreux hôpitaux psychiatriques
consiste à refuser les utilisateurs de P.C.P. et à obliger la police à se
charger d’eux. Personne n’a envie de s’occuper d’un type qui marche à la
P.C.P., et ça se comprend. Les journaux sont remplis d’histoires de dingues de
la P.C.P., qui, une fois bouclés, ont sectionné le nez de quelqu’un d’un coup
de dents ou se sont arraché les yeux.
P.C.P.
Abréviation de la phencyclidine. Il s’agit à l’origine d’un anesthésique qui,
répandu sur une feuille de menthe ou de cannabis, constitue la préparation
connue sous le nom d’angel dust.
Siva,
roman de Philip K. Dick
Traduit
de l’américain par Robert Louit.
Une
autre publication sur Philip K. Dick :
https://beldemai.blogspot.com/2019/05/sur-le-maitre-du-haut-chateau-de-philip_5.html
Je viens de (re)voir Substance Mort... Coïncidence ?
RépondreSupprimerMerci pour le clin d'oeil cher Frédérique.
Je retourne immédiatement (re)lire ton fougueux texte
sur le Haut-Château !
A+
Fougueux est amusant pour caractériser un de mes textes ! Merci pour ton commentaire.
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