Pour
écouter le morceau de Blur :
https://youtu.be/Ek9eLru_YHE?si=AiBxBcOLoKNkWzW5
Chaque
semaine, la grand-mère regardait une émission de femmes qui accouchent. Les
femmes s’allongeaient devant les membres du jury, elles relevaient leurs jupes.
Les membres du jury prenaient des notes, ils observaient l’intérieur de ces
femmes avec une loupe. Les femmes écartaient leurs jambes, elles poussaient,
les bébés finissaient par naître. Si le
bébé était mort, c’était un mauvais point. Si le bébé était bleu ou rouge,
c’était un mauvais point. Si le cordon l’étranglait, c’était un mauvais point.
Mais si le bébé était beau, c’était gagné. S’il avait des cheveux, c’était
gagné. S’il n’était pas gluant, c’était gagné. Si le bébé souriait, on
applaudissait. Les mères préparaient l’émission des mois à l’avance, elles
parlaient aux fœtus à travers le ventre, elles leur demandaient de sourire et
d’être en bonne santé, de remuer les jambes. Si le bébé avait un corps
proportionné, réglementaire, c’était gagné. Le président du jury
annonçait : On continue l’aventure. Si le bébé pleurait, c’était logique,
mais ce n’était pas conseillé. On tolérait. Si le bébé pleurait longtemps,
c’était un mauvais point, on coupait le micro. Une voix grave prononçait les
mots : Au revoir. Si la mère était belle, si elle était maquillée, si elle
était coiffée, c’était un bon point. Les membres du jury la félicitaient, ils
lui faisaient des compliments, ils regardaient la caméra et ils disaient :
Elle a compris le principe de l’émission. Si la mère poussait en souriant, si
elle poussait en riant, si elle poussait sans transpirer, si elle poussait sans
crier, si elle poussait sans pleurer, elle pouvait rester. Quelqu’un
disait : On continue l’aventure. Quand la mère était laide, on
n’applaudissait pas, on n’applaudissait rien, ni elle ni le bébé. Les membres
du jury avaient une expression de gêne et de désolation. Leurs bouches se
dirigeaient vers le bas du visage et ils l’éliminaient. Le public sifflait. Si
la mère mourait, c’était un mauvais point, on ne la filmait plus, et on ne
filmait pas l’enfant. Même en vie, on ne le filmait pas. Il avait tout perdu.
La caméra se concentrait sur les membres du jury. Ils étaient touchés, on leur
apportait des mouchoirs qu’ils tapotaient contre leurs joues. Des notes aiguës
de piano accompagnaient la scène. Un membre du jury disait : On doit
continuer. Ils utilisaient l’expression : Ne rien lâcher. Et la chanson The
Show must go on était diffusée à fond. Les membres du jury se prenaient
dans les bras puis ils dansaient. Ils levaient le poing dans les airs et le public
tendait les bras vers la lumière. Si le père était présent, c’était un bon
point. Si la mère était lesbienne et que l’autre mère était présente, c’était
un très bon point. Les membres du jury employaient le mot : Diversité, et
l’expression : Comme tout le monde. Le président du jury félicitait les
parents : On continue l’aventure. Si le père ou l’autre mère embrassait la
mère accoucheuse, on applaudissait. Les membres du jury penchaient la tête à
droite ou à gauche en signe de tendresse. Les visages étaient filmés sur une
musique de carillons et tout le monde souriait. Tout le monde touchait les
mains de tout le monde. Tout le monde caressait les épaules et le dos de tout
le monde. S’il n’y avait pas de père et pas d’autre mère, c’était un bon ou un
mauvais point, ça dépendait de la mère, ça dépendait de sa coiffure, de sa
tenue, de son allure. Est-ce que le deuxième parent avait bien fait de la
quitter ? Est-ce qu’on pouvait comprendre ? Le jury décidait. Les
jurés notaient des choses sur leurs tablettes puis ils traçaient un grand
cercle et ils finissaient par un point au milieu de l’écran. Quand le placenta
tombait, c’était un bon point, on applaudissait. Quand le placenta restait dans
le ventre, c’était un mauvais point, à cause des complications, à cause des
objets métalliques qu’il fallait utiliser. La scène n’intéressait personne,
trop longue, trop compliquée. On coupait le micro, on annonçait la suite. Si la
mère caressait son bébé, c’était un bon point, les membres du jury
applaudissaient, ils faisaient oui de la tête. Le président du jury employait
les expressions : Moment de vie, et : Créer du lien. Si la mère
regardait son bébé et qu’elle le trouvait laid, on le voyait sur sa figure,
c’était un mauvais point. Les bébés laids se faisaient siffler. Les mères qui
n’aimaient pas leurs bébés se faisaient huer, on leur jetait des chaussures, on
leur mettait des pouces vers le bas. Un jour, un bébé est sorti presque mort du
ventre de sa mère. Ses yeux étaient ouverts, mais il ne bougeait pas. Un membre
du jury l’a pris dans ses mains, il l’a soulevé, et il a dit : Tu veux
vivre ou non ? Oui ou non ? On a besoin de savoir, mais le bébé
n’avait pas donné de réponse. La mère avait pleuré sans sourire. Alors, les
membres du jury ont exprimé une grimace personnelle selon leur type de figure.
Ils ont remué leurs têtes, et le président s’est adressé à la mère, il a
dit : Le suicide est la première cause de mortalité des femmes dans
l’année qui suit l’accouchement, faites attention, c’est statistique.
Laura
Vazquez
La
semaine perpétuelle
Editions du sous-sol
Le
sommeil s’est enfui par le soupirail… Fête de sous-préfecture. Buvettes,
sandwichs, drapeaux, lampions. Les feux d’artifice font la chasse aux étoiles
filantes. Pourquoi veulent-ils tuer le ciel ? demande l’enfant avec
angoisse. Mais le vacarme du bouquet final est tel, que nul n’entend sa timide question.
Puis la foule lasse se disperse mollement, par grappes, par vagues, sous le
regard impavide des forces de l’ordre, dont chacun peut admirer l’équipement et
les armes de guerre.
La
nuit est paisible et silencieuse, comme après une défaite. Aux premières heures
de l’aube, des cris se font entendre en provenance de la cave, où l’étranger en
situation irrégulière a trouvé refuge. Monté sur des caisses, il secoue en
hurlant les barreaux du soupirail. Le scandale est rapidement étouffé sous les
gaz et les coups de matraques. Le maire interrogé par la presse locale se
félicitera le lendemain de cette atmosphère de liesse et de calme, que nul
incident n’est venu troubler.
Frédéric
Perrot
Eric Doussin |
Elle voulut aller voir les flots de la
mer,
Et comme un vent bénin soufflait une
embellie,
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,
Et nous voilà marchant par le chemin amer.
Le soleil luisait haut dans le ciel calme et
lisse,
Et dans ses cheveux blonds c’étaient des
rayons d’or,
Si bien que nous suivions son pas plus
calme encor
Que le déroulement des vagues, ô
délice !
Des oiseaux blancs volaient alentour
mollement,
Et des voiles au loin s’inclinaient toutes
blanches.
Parfois de grands varechs filaient en
longues branches,
Nos pieds glissaient d’un pur et large
mouvement.
Elle se retourna, doucement inquiète
De ne nous croire pas pleinement
rassurés ;
Mais nous voyant joyeux d’être ses
préférés,
Elle reprit sa route et portait haut la
tête.
Le poème est le dernier
poème du recueil de Paul Verlaine, Romances sans paroles (1874).
Mais
pas de pause
Et surtout
Pas de fin à ce
début
L’ailleurs
s’étend
(Laurent
Bouisset, Coltrane)
Dévore l’attente,
le premier livre de Laurent Bouisset (né en 1981) et publié par Patrice
Maltaverne aux éditions Le Citron Gare, peut être vu comme une anthologie. Onze
années d’écriture et d’efforts poétiques se trouvent ramassées dans quelques
quatre-vingts pages et de l’aveu même de l’auteur, il ne s’agit pas d’y chercher
une cohérence particulière. Je tenterai donc seulement ici d’indiquer quelques
lignes de force ou quelques lignes de fuite.
Ce
sera un premier point : il est en effet bien souvent question de fuite et
d’ailleurs dans ces pages. Les indications données par l’auteur sur ses différents
lieux d’écriture sont à cet égard éclairantes (Mexique, Bosnie, Guyane, Guatemala).
Laurent
Bouisset écrit au fil de ses voyages ; mais ce n’est pas un regard de touriste ou de routard imbécile qu’il
pose sur les pays et les hommes qu’il découvre, c’est celui d’un homme
bouleversé par la misère et la violence du monde : « J’ai vu à Santiago de Atitlan/Un jeune homme de quinze ans/Perdre face
et sa dignité ». Le font « pleurer »
« Deux petits vieux costaricains/Le
ventre vide et les yeux doux ».
Au
contraire de celui du touriste, le regard de Laurent Bouisset est attentif et sensible ; il traque le
concret et la beauté de la vie même au cœur des villes martyrisées par la
guerre. À Mostar, en Bosnie-Herzégovine, l’amusent et l’enchantent « plusieurs chats » « rouquins blancs noirs » qui « vont » » « en quête d’une tête de poisson » et
la « ronde d’enfants farceurs autour ».
Et
à cet instant, le voyage se fait expérience spirituelle et poétique :
« le vent dans le/ tilleul me dit
que je suis libre »
Sans
musique la vie serait une erreur. La phrase est célèbre et ce sera mon second
point. La musique s’invite à plusieurs reprises dans Dévore l’attente et il y ainsi un long hommage lyrique à John Coltrane
et au jazz le plus free, tandis que dans
un autre poème, en quelques lignes qui m’amusent, sont évoqués les turbulents Red
Hot Chili Peppers ; un goût que l’on n’est pas obligé de partager !
Plaisanterie
mise à part, l’important est que pour Laurent Bouisset, la musique est une
expérience totale, qui implique tout l’être jusqu’à « l’exténuation », une expérience mystique, osons le mot : « Brûler/Sentir/Couler/Nager dans la lumière ».
John
Coltrane, tel qu’il nous est présenté, est à la fois cet homme qui par moments voudrait
« poser ce chaos-là nommé saxo »,
qui est conscient du racisme crasse de ses auditeurs qu’il souhaiterait « frire au free », à qui « la vie » « fait horreur » mais qui lancé à la
poursuite de la beauté, se transcende dans sa musique : « Que mes peines mes liquides mes joies/N’en
soient plus qu’une/D’eau claire/Que cette eau claire s’appelle musique/Et
qu’elle vous siée ».
Mon
troisième point concernera la révolte. La révolte est l’honneur des poètes et
des hommes. Comme l’écrivait Albert Camus : « Je me révolte, donc nous sommes. ». Laurent Bouisset laisse à
d’autres « la guimauve » poétique.
Ce n’est pas son propos. Il est un poète volontiers agressif.
Il
s’agit de rappeler dans des pages où éclate souvent une belle « rage » imprécatoire « à quel point » « la torpeur » est « le cancer le pire ». De réveiller et
de secouer ceux qui ne souhaitent que dormir et qui sont les plus nombreux. Et
cela, même si « Crier c’est tout
seul ». Et cela, même si on est les « fils » de ses « murs »…
Et cela, même si le quotidien n’est parfois qu’un « riz gluant » où l’on est « trop occupé » (dans le poème On a rien dit)
Au
crible de cette révolte, tout y passe. Le vitriol éclabousse violemment sans
compter. À commencer par la France (« ce
tout petit pays de colons riches »), sa police (« le fascisme lâche et la bien faible éducation
d’un flic européen ») et son administration dans le beau et sombre Poème cousu.
La
France, le Paris « chic »
aux « tympans fatigués »,
avec ses « salons merdeux du XVIIème »,
le monde d’ici, sa « gueule »,
son « pus », tout étouffe
et la révolte vissée au corps se résout dans le désir de l’ailleurs, le désir
du départ : « comme si
finalement toucher le cœur des choses c’était/partir ».
À
cet endroit, on pourrait rétorquer à l’auteur, dont la rage et le fiel sont
réjouissants, contagieux, que la médiocrité consumériste béate n’est en rien une
spécialité française ou même parisienne. Qui a vu Londres par exemple, cet
enfer grouillant, sait que Paris n’est finalement en comparaison qu’un village bien
sympathique !
Laurent
Bouisset me semble donc plus inspiré quand il évoque sobrement les malheureux
de partout, le petit Felipe qui « s’en
fout d’écrire ou de jouer », qui « voudrait » que « son
alcoolique de père » « dise
qu’il est né ». Et le sort qui leur est fait. Car tout le travail du
petit Felipe consiste à « rameuter
dans le vent froid/des touristes indécis vers un resto » et c’est un véritable
crève-cœur que « de percevoir en lui
tant d’innocence ».
Délaissant
l’aigreur, la révolte se fait alors humaniste
dans le sens le plus noble de cet adjectif.
Dans
sa pièce Sallinger, Bernard-Marie
Koltès fait dire à l’un de ses personnages : « Peut-être, mais que voulez-vous ? Moi, je n’ai appris à parler
qu’à la première personne ; et comment désapprendre cela ? ».
Ce sera mon quatrième point.
Laurent
Bouisset écrit en son nom propre, à la première personne. Son écriture est essentiellement
autobiographique. Laurent Bouisset écrit à partir de son expérience vécue. Ce
sont donc ses voyages, ses escapades en « camionnette » avec son « beau-père », ses goûts, ses emballements, ses hargnes et ses
doutes (« pas sûr du tout de/ce que
je bafouille »), en particulier ceux d’un homme conscient de toutes
les horreurs du monde dans l’émouvant Problème.
Les
risques de l’écriture autobiographique sont connus, répertoriés :
l’excessive sincérité – la sincérité étant la belle excuse que se donnent tant
de poètes pleurnichards – la
complaisance et l’impudeur… Car il
est des poèmes dont on sort gêné pour
l’auteur.
Laurent
Bouisset évite ces écueils par la force et la rigueur de son écriture qui
transfigure son expérience vécue. L’ignoble complaisance de la poésie
personnelle est absente de ces pages. C’est la réalité brutale, violente qui intéresse l’auteur.
Et,
si la matière remuée est souvent sombre, elle est travaillée, ciselée, pour
être offerte poétiquement au
lecteur…
Laurent
Bouisset se sort (« je me suis
extirpé ») de son « bourbier
de doutes » par l’humour également ; cette grâce, cette liberté qu’ignoreront
toujours les poètes qui ne sont que sincères. Ce sera mon dernier point.
Dans plusieurs poèmes (Java, Je vous fais une passe), Laurent Bouisset maltraite en effet la langue avec bonne humeur et nous rappelle que la France est aussi, ce qu’on oublie souvent, le pays de Rabelais, du gros rire gras de Balzac, des zut et des merde crachés par le voyou de Charleville et des éructations d’une irrésistible drôlerie du grand Louis-Ferdinand. (1)
Si,
dans certains poèmes (Flor rugosa, L’œuf intact) sa langue peut être sèche
et minérale à la limite de l’hermétisme, on retiendra de ces poèmes dynamiteurs
(« D’exploser puissamment le
cercle ! ») le mélange des registres, le bilinguisme revendiqué
(« et je me dis que je suis
incapable/là/ de me contenter d’une langue »), l’anarchisme
typographique, la recherche d’une expression vivante (« le basket » et le « dribble » comme métaphore !), l’oralité
amusante (« l’envie redéboule grave
et fait cow-boy »), le franc mauvais goût de certaines images (« commencer par un gros carton des
étoiles/connes »), le délire verbal, l’irrespect élevé au rang des
vertus (« M’emmerdent les
mots ! Je jette la feuille ! »), ainsi qu’une certaine
insistance scatologique qui n’eût
déplu à aucun des illustres anciens déjà évoqués !
Tout
ceci constitue évidemment une attaque en règle, un attentat fomenté contre une
certaine idée très française de la poésie, telle qu’elle est encore hélas
professée par de « tout petits
cloportes et vaniteux théoriciens du texte », à la face desquels il
s’agit bien de faire exploser un « fruit
gigantesque » et le rire !
Et,
si le rire, qui selon Rabelais est le propre de l’homme, n’est pas toujours
possible – la misère, la souffrance et la mort de l’autre – quand il éclate, il
est, comme les voyages, la musique, la révolte, l’écriture, libérateur.
Sur cet adjectif, je finirais. Laurent Bouisset ne peut se
résoudre à ce que partout sur cette planète l’homme soit oppressé, écrasé par
le malheur et les ultimes mots de sa Fredaine
bosniaque, qui conclut le livre, sont
aussi un appel à l’amour de la vie et à l’espoir :
« oui le vent me le/ dit qu’un jour ou l’autre
nous mugirons de/joie – il pleuvra vert – nous serons nus – le/souvenir de la
guerre aura quitté la chair/et l’eau – sans compter nous aimerons – ce/sera
l’heure – nous verrons clair »
1- Céline s’inscrivait clairement
dans cette lignée rieuse, à laquelle il faudrait peut-être ajouter François
Villon. Il est le seul écrivain français en son siècle à se réclamer de
Rabelais, qui ne semble aimé que par les grands romanciers étrangers (Witold
Gombrowicz, Milan Kundera)
Dévore
l’attente de Laurent Bouisset
(Illustrations
d’Anabel Serna Montoya)
Editions
Le Citron Gare
Le texte a été écrit en novembre
2015. Frédéric Perrot
Il n’existe qu’une
certitude définitive sur la nature humaine, elle est changeante.
Les
comédiens ont bien de la chance. Ils peuvent choisir de jouer dans une tragédie
ou dans une comédie, de souffrir ou de se divertir, de rire ou de verser des
larmes. Ce qui est différent de la vie réelle. La plupart des hommes et des
femmes sont obligés d’y tenir des rôles pour lesquels ils n’ont aucune
qualification. Le monde est une scène de théâtre, mais les rôles ont été mal
distribués.
Aux
yeux de quiconque a lu l’Histoire, la désobéissance est la vertu originelle de
l’homme. La désobéissance a permis le progrès – la désobéissance et la
rébellion.
Recommander
aux pauvres d’être économes est à la fois grotesque et insultant. Cela revient
à conseiller à un homme qui meurt de faim de manger moins.
Une
cause n’est pas nécessairement vraie parce qu’un homme meurt pour elle.
Les
présages n’existent pas. Le destin ne nous envoie pas de messagers. Il est bien
trop avisé ou cruel pour cela.
Les
idéaux sont choses dangereuses. Il vaut bien mieux se confronter aux réalités.
Elles blessent, mais elles sont bien meilleures.
Rien
n’est aussi dangereux que d’être trop moderne. On a tendance à devenir vieux
jeu sans s’en rendre compte.
L’âme
est vieille à la naissance mais rajeunit. C’est la comédie de la vie. Le corps
est jeune à la naissance et vieillit. C’est la tragédie de la vie.
Je
ne pense pas que l’homme ait de grandes capacités de développement. Il est allé
aussi loin qu’il le pouvait, ce qui n’est pas bien loin.
La
vie nous fait payer trop cher ce qu’elle nous offre, et le plus insignifiant de
ses secrets doit être acheté un prix exorbitant et infini.
On
peut résister à tout sauf à la tentation.
Un
sentimental est un homme qui donne à tout une valeur absurde et qui n’a aucune
idée du prix de quoi que ce soit.
La
ponctualité est une voleuse de temps.
Nous
sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles.
Pour
un homme ou une nation, le mécontentement est le premier pas vers le progrès.
Quelle
est la différence entre le journalisme et la littérature ? Le journalisme
est illisible et la littérature n’est pas lue.
Plus
je vis et plus je suis persuadé que tout ce qui était bon pour nos pères ne
l’est pas assez pour nous. En art, comme en politique, « les grands-pères
ont toujours tort ».
L’idéal
moderne est un homme parfaitement bien informé. Et l’esprit d’un homme
parfaitement bien informé est une chose terrible. Il ressemble à une boutique
de bric-à-brac, rien que des monstres et de la poussière, chaque chose marquée
d’un prix bien supérieur à sa valeur réelle.
La
valeur d’une idée n’a absolument rien à voir avec la sincérité de l’homme qui
l’exprime.
L’éducation
est une chose admirable, mais il faudrait parfois se rappeler que rien de ce
qui vaut la peine d’être connu ne peut s’enseigner.
Il
est tout à fait erroné de croire, comme le font beaucoup de gens, que l’esprit
d’une personne se révèle dans son visage. Le vice s’inscrit parfois dans les
lignes et leurs modifications, mais c’est tout. Notre visage est en réalité un
masque qui nous a été donné pour dissimuler notre esprit.
Aujourd’hui
les gens connaissent le prix de tout et la valeur de rien.
Révéler
l’art et dissimuler l’artiste, tel est le but de l’art.
On
devrait toujours être légèrement improbable.
Il
est tragique de voir qu’aujourd’hui, en Angleterre, il y a tant de jeunes gens
qui démarrent dans la vie avec les meilleures espérances et qui finissent par
embrasser quelque profession utile.
Oscar Wilde, Aphorismes
Traduction de Bernard
Hœpffner
(avec la collaboration de Catherine Goffaux)
Elle
est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l’issue de
l’aube que le bougeoir du crépuscule.
Elle
passa les grèves machinales ; elle passa les cimes éventrées.
Prenaient
fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l’alcool du
bourreau.
Son
verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s’inscrivit mon souffle.
D’un
pas à ne se mal guider que derrière l’absence, elle est venue, cygne sur la
blessure, par cette ligne blanche.
Juin, Charlie Hebdo, 3 juillet 2024 |
Une super production Europe 1, CNews, digne de Stanley Kubrick. « Un chef-d’œuvre » (Le Figaro). « Un film qui donne à penser » (Le Point). « Notre coup de cœur » (Causeur). « Simplement génial » (Valeurs actuelles). Avec dans le rôle des primitifs, plus vrais que nature : Marine, Marion, Jordan...