Quand le front de l’enfant, plein de
rouges tourmentes,
Implore l’essaim blanc des rêves
indistincts,
Il vient près de son lit deux grandes
sœurs charmantes
Avec de frêles doigts aux ongles
argentins.
Elles assoient l’enfant devant une croisée
Grande ouverte où l’air bleu baigne un
fouillis de fleurs
Et dans ses lourds cheveux où tombe la
rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et
charmeurs.
Il écoute chanter leurs haleines
craintives
Qui fleurent de longs miels végétaux et
rosés
Et qu’interrompt parfois un sifflement,
salives
Reprises sur la lèvre ou désirs de
baisers.
Il entend leurs cils noirs battant sous
les silences
Parfumés ; et leurs doigts
électriques et doux
Font crépiter parmi ses grises indolences
Sous leurs ongles royaux la mort des
petits poux.
Voilà que monte en lui le vin de la
Paresse,
Soupir d’harmonica qui pourrait
délirer ;
L’enfant se sent, selon la lenteur des
caresses
Sourdre et mourir sans cesse un désir de
pleurer.
« Les
Poètes maudits. Arthur Rimbaud » de Verlaine,
« Lutèce », 19-26 octobre
1883
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