Féérie
C’est un beau soir d’été. Le jeune tapin joue
de la flûte sur le chemin. Il semble un peu éméché, il danse, trébuche plus
qu’il ne marche et je reconnais son costume d’arlequin usé et ses cheveux roux
en bataille. Ses lèvres se tordent en un vague sourire à mon approche et je
vois que son maquillage a un peu bavé. Tout autour, de derrière un arbre, du cœur
des broussailles, surgissent des yeux lubriques, des regards intéressés et comme
dans un théâtre grotesque, des mains s’activent, des mains s’agitent… Enfin de
la poche de mon pantalon à pinces, je sors un billet froissé et il m’indique
d’un mouvement d’épaule l’endroit habituel : sous le pont, contre un mur,
parmi les bris de verre, dans une âcre odeur d’urine, érotisme de pissotière. Je
lui dis que je préfère aller un peu plus loin, dans l’herbe et les roseaux. Sans
s’en étonner, il tente une courte plaisanterie sur la nature et les goûts et
tourne les talons. Je le suis et lui suggère que mon unique désir est de rompre
nos habitudes. Il rit à cette allusion plus concrète. Puis il se remet à jouer
de la flûte, il danse, chancelle plus qu’il ne marche sur le chemin…
Frédéric Perrot
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire