Scott Walker |
« La
mort d’un homme de talent m’attriste toujours, puisque le monde en a plus
besoin que le ciel », écrivait le grand Lichtenberg. L’annonce de la mort de Scott Walker m’a
attristé pour la même raison.
M’est revenue en mémoire l’époque où j’écoutais
en boucle une de ses compilations, parue peut-être à l’occasion de la sortie de
Pola X, l’adaptation par Leo Carax du
roman d’Herman Melville, Pierre ou les ambiguïtés
et dont Scott Walker avait signé la bande originale.
Peut-être était-ce un peu encore avant… Je
ne sais plus et je n’ai plus ce disque. Ce qui est certain, c’est que des
groupes comme Pulp, The Divine Comedy, les Tindersticks ne cessaient de chanter
ses louanges, comme les Inrockuptibles, magazine auquel en ces temps révolus,
on pouvait faire une confiance presque
aveugle. En France, un certain Alain Bashung aimait à le citer avec respect.
Sur cette compilation, il y avait des
titres très embarrassants, ces fameux tubes réclamés par les maisons de disques,
mais aussi quelques-unes des plus étranges et des plus belles chansons de pop
orchestrale jamais écrites. Toutes ces chansons, même les pires, étaient encore
portées par une voix proprement incroyable.
Ce monsieur chantait, en anglais, Jacques
Brel (Mathilde, Jacky, Amsterdam, etc.) comme
personne et avait composé à la fin des années soixante une poignée de morceaux
qui auraient dû suffire à inscrire son nom au panthéon de la pop-music : l’énigmatique
Plastic Palace People, son chef-d’œuvre,
The Seventh Seal inspiré du film d’Ingmar
Bergman, le désespéré It’s raining today
ou le grandiloquent, mais à la manière de Brel encore, The Girls from the Street.
Scott Walker m’apparaissait, je crois, à l’époque,
comme un Frank Sinatra qui aurait chanté des choses intelligentes et qui aux montagnes de coke, avait le goût de préférer
une bonne pile d’auteurs européens (Sartre, Camus, Georges Bataille).
Je ne devais découvrir que beaucoup plus
tard qu’il avait été une sorte de dieu pour
un certain David Bowie.
Il
faut bien le dire : avec ses quatre premiers albums solos, sobrement
intitulés Scott 1, 2, 3, 4, Walker ne rencontra que la vaste indifférence du
monde… Les détails sordides suivirent, comme chantait le même Bowie. Les années
soixante-dix ne furent pour Walker qu’un long désert. Echecs en série,
reformations opportunistes de son groupe factice, The Walker Brothers, avec
lequel il avait connu la gloire… Il semble qu’il disparut dans l’alcool. Climate of Hunter, le disque de son
retour en 1984, fut, selon la légende, le pire flop de toute l’histoire de
Virgin Records. J’aime à penser que Scott Walker s’en foutait, occupé qu’il
était à peindre, la peinture étant son autre passion…
Les années quatre-vingt-dix et deux mille
furent malgré tout un peu plus clémentes avec lui. Musiques de films, collaborations
aussi improbables que réussies avec des groupes de métal expérimentaux,
production du dernier album de Pulp…
Scott Walker est mort le 22
mars dernier.
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à écouter
Plastic Palace People : https://youtu.be/ayrS74ktTyE
The Girls from the Street : https://youtu.be/Jj_C6Rv0HV0
Jacky (reprise de Brel) : https://youtu.be/eKtZf62BQzM
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