Romuald se pencha au dehors. Le bruit des
enfants dans la cour était insupportable. Maudits marmots ! Tout juste
bons à piailler sous ma fenêtre, comme de petits singes ! Et regardez-moi
cette ronde qu’ils font, si ce n’est pas ridicule une ronde !
– Foutez-moi le camp ! leur cria-t-il
en tendant le poing et dans l’attitude de quelqu’un qui sous le coup de la
colère va enjamber le montant de sa fenêtre. – Heureusement que j’habite au
rez-de-chaussée – Foutez-moi le camp ! J’ai du travail, moi ! Et vous
feriez bien d’en faire autant, si vous voulez devenir quelque chose dans la
vie !
La ronde était interrompue. Les enfants
étaient déjà sur le point de se disperser… Lorsque sur un signe silencieux de
celle qui devait être l’aînée, docilement, ils se mirent en rang, comme pour
une photographie de classe : les plus petits devant et les plus grands
derrière. – Quel tableau ! Tous regardaient Romuald.
Leurs yeux étaient étrangement vides,
globuleux… Des yeux de poissons morts, songea-t-il en reculant d’un pas pour
fermer sa fenêtre. Comme s’ils n’attendaient que ce mouvement, tous levèrent un
doigt dans sa direction et tous dirent d’une même voix unanime :
– Nous sommes morts, nous avions le droit
de danser. Tu as brisé la ronde, tu as volé nos âmes, tu es un méchant, tu es
un méchant…
Et cette accusation le poursuivit encore
longtemps après qu’il eut refermé la fenêtre.
Ce court récit a été écrit en 1994
ou 1995. Frédéric Perrot.
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