vendredi 10 juillet 2020

Je n'étais plus moi...




Je n’étais plus moi, je me scindais en deux, je me livrais à des simulacres. J’étais à la fois le malade dans son lit et le fidèle ami à son chevet : à la fois sur la chaise et dans le lit, avais-je la fièvre ? Mais ce n’était encore qu’une illusion : je n’étais plus moi et au fur et à mesure je l’étais toujours moins, je me divisais, je me divisais à l’infini, j’étais à la fois le malade dans son lit, l’ami à son chevet et l’observateur indiscret de cette scène, comme j’étais aussi les visiteurs curieux qui dans le couloir criaient, se bousculaient les uns les autres et forçaient les premiers arrivés à entrer dans la chambre… Toute une foule de personnages irrévérencieux aux visages semblables, aux gestes identiques et qui tous autant qu’ils étaient, se comportaient comme des vandales qui vidaient les armoires, souillaient le linge et levaient de son lit le malade et de sa chaise l’ami, afin de les entraîner dans une folle farandole à travers ce qu’il restait de la chambre et de l’immeuble et de la ville jadis paisible que tous autant qu’ils étaient, visages semblables, folle farandole qui se divisait, se divisait à l’infini, ils dévastaient, vandales qui comme le malade et l’ami à son chevet, ne se connaissaient de passion que pour le crime, les ruines et la désolation…

                                                                                              
           Le texte a été écrit au début des années 2000. Frédéric Perrot

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