Je n’étais plus moi, je me scindais en
deux, je me livrais à des simulacres. J’étais à la fois le malade dans son lit
et le fidèle ami à son chevet : à la fois sur la chaise et dans le lit,
avais-je la fièvre ? Mais ce n’était encore qu’une illusion : je
n’étais plus moi et au fur et à mesure je l’étais toujours moins, je me divisais,
je me divisais à l’infini, j’étais à la fois le malade dans son lit, l’ami à
son chevet et l’observateur indiscret de cette scène, comme j’étais aussi les
visiteurs curieux qui dans le couloir criaient, se bousculaient les uns les
autres et forçaient les premiers arrivés à entrer dans la chambre… Toute une
foule de personnages irrévérencieux aux visages semblables, aux gestes identiques
et qui tous autant qu’ils étaient, se comportaient comme des vandales qui
vidaient les armoires, souillaient le linge et levaient de son lit le malade et
de sa chaise l’ami, afin de les entraîner dans une folle farandole à travers ce
qu’il restait de la chambre et de l’immeuble et de la ville jadis paisible que
tous autant qu’ils étaient, visages semblables, folle farandole qui se
divisait, se divisait à l’infini, ils dévastaient, vandales qui comme le
malade et l’ami à son chevet, ne se connaissaient de passion que pour le crime,
les ruines et la désolation…
Le texte a été écrit au début des années 2000. Frédéric Perrot
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