Comme
la main du musicien
Sur sa mandole
Je me promène sur des cordes
Toute la sainte journée, je me promène
sur des cordes que d’autres ont tendues avant moi au-dessus des eaux boueuses
du marécage. Leur curieux agencement peut faire songer à la toile d’une
araignée, mais mon filet, comme
j’aime à l’appeler, est un assemblage beaucoup plus rustique : il est constitué
de lianes noueuses suffisamment solides pour supporter le poids d’un être tel
que moi et l’ensemble témoigne d’une ingéniosité technique assez rudimentaire.
C’est ici que je vis, que j’ai grandi. Tel est mon monde. Il ne me semble pas
en avoir connu d’autres. Je me nourris de feuilles et de petits insectes. Je
bois l’eau tiède des pluies. L’essentiel de mon temps, je le consacre à ce que
je nomme le travail d’entretien. Car si toute la sainte journée, je me promène
sur des cordes, c’est qu’il s’agit pour moi de perfectionner mon filet qui est
ancien, m’a précédé, que d’autres ont construit, tendu au-dessus du marécage et
qui connaît l’usure. Mes nuits, je
les passe dans l’une de ces niches suspendues parmi les branches, qu’il me
semble avoir toujours connues, au point de supposer peut-être arbitrairement
que j’ai dû naître dans l’une d’entre elles. En tous cas ces niches m’incitent
à penser qu’à une certaine époque, un petit groupe au moins d’êtres semblables
à moi a vécu ici au-dessus du marécage, avant de disparaître pour une raison
que j’ignore. Je n’en ai aucun souvenir, il me semble avoir toujours été seul
et que j’ai simplement reçu leurs constructions, leur petit monde, en héritage.
Le
texte a été écrit en mars 2014. Frédéric Perrot.
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