dimanche 11 février 2018

Le seul participant



Le coureur était à bout de forces… Il avait son dossard à la main. Son corps douloureux dégoulinait de sueur. C’était un jour d’été accablant. À chaque instant, il avait l’impression que les rayons du soleil rebondissaient sur la pierre avec une intention maligne et lui meurtrissaient les yeux. Il n’avançait plus qu’avec peine. Il était seul sur le chemin, quelque part dans la campagne déserte, et il avait à présent le sentiment pénible de l’avoir toujours été.
Avait-il vu d’autres coureurs ? Gardait-il le souvenir d’un visage, d’une expression, d’un sourire ? Avait-il entendu retentir le signal du départ ? La douleur et l’épuisement n’expliquaient pas tout. Une course à pied, une compétition sportive supposait une certaine organisation. Or, à aucun moment, il n’y avait eu sur le bord du chemin même un poste de ravitaillement où il aurait pu se rafraîchir, s’éponger le front avec une serviette avant de repartir. Où étaient-ils les organisateurs, les médecins, les spectateurs ? Il était seul au milieu de nulle part et pour autant qu’il pouvait en juger, il ne devait y avoir personne à des kilomètres à la ronde.
Comment cela était-il possible ? S’était-il engagé sur ce chemin inconsidérément, par erreur ? L’affreux soupçon… Peut-être qu’il n’y avait jamais eu d’autres coureurs, ni de course organisée ce jour-là ou même un autre… La tête lui tournait. Peut-être tout cela n’était-il qu’une vaste illusion ? Après tout, et cela lui semblait une preuve d’une clarté aveuglante, il n’y avait pas de numéro inscrit sur son dossard, qui n’était qu’un inutile bout de tissu blanc… Et, peut-être que portant la tenue réglementaire d’un coureur de fond, avait-il cru en être un… C’était absurde… Mais il était bien selon toute apparence le seul participant d’une course imaginaire.


                                                                    Frédéric Perrot

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