Le coureur était à bout de forces… Il
avait son dossard à la main. Son corps douloureux dégoulinait de sueur. C’était
un jour d’été accablant. À chaque instant, il avait l’impression que les rayons
du soleil rebondissaient sur la pierre avec une intention maligne et lui
meurtrissaient les yeux. Il n’avançait plus qu’avec peine. Il était seul sur le
chemin, quelque part dans la campagne déserte, et il avait à présent le
sentiment pénible de l’avoir toujours été.
Avait-il vu d’autres coureurs ?
Gardait-il le souvenir d’un visage, d’une expression, d’un sourire ?
Avait-il entendu retentir le signal du départ ? La douleur et l’épuisement
n’expliquaient pas tout. Une course à pied, une compétition sportive supposait
une certaine organisation. Or, à aucun moment, il n’y avait eu sur le bord du
chemin même un poste de ravitaillement où il aurait pu se rafraîchir, s’éponger
le front avec une serviette avant de repartir. Où étaient-ils les
organisateurs, les médecins, les spectateurs ? Il était seul au milieu de
nulle part et pour autant qu’il pouvait en juger, il ne devait y avoir personne
à des kilomètres à la ronde.
Comment cela était-il possible ?
S’était-il engagé sur ce chemin inconsidérément, par erreur ? L’affreux soupçon… Peut-être qu’il n’y avait jamais eu
d’autres coureurs, ni de course organisée ce jour-là ou même un autre… La tête
lui tournait. Peut-être tout cela n’était-il qu’une vaste illusion ? Après
tout, et cela lui semblait une preuve d’une clarté aveuglante, il n’y avait pas
de numéro inscrit sur son dossard,
qui n’était qu’un inutile bout de tissu blanc… Et, peut-être que portant la
tenue réglementaire d’un coureur de fond, avait-il cru en être un… C’était absurde…
Mais il était bien selon toute apparence le seul participant d’une course
imaginaire.
Frédéric Perrot
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