Le puzzle du sens
Comme coupé en deux – Il a un œil exercé
pour ce qu’il nomme la vanité… La vanité des autres, il la perce facilement à
jour ; elle l’agace, l’irrite ou le désole ; mais sa propre vanité le
coupe en deux, en ce sens que quoi qu’il
fasse, il est toujours le spectateur distancié et désabusé de lui-même ; et,
dans ces conditions, il lui est presque
impossible de s’illusionner et de ne pas considérer avec dédain le moindre de
ses actes… Or, s’illusionner est ce qu’il y a de plus humain ; et, sans quelques
heureuses illusions sur soi-même, on devient à la longue incapable de quoi que ce
soit.
Une cruelle discordance – Il ressent de plus
en plus douloureusement la cruelle discordance qu’il peut y avoir entre les
pensées, les paroles, les écrits et les
actes ; par lesquels ces pensées, paroles et écrits deviendraient
concrets et « mordraient sur le réel »… Et, à l’un de ses rares amis,
qui lui disait un soir qu’il était malgré tout quelqu’un d’assez révolté, il avait répondu sans aucune
agressivité qu’il n’avait jamais été autre chose qu’un bavard, incapable de mettre en application, « même une »
de ses grandes déclarations… Il le ressent d’autant plus douloureusement qu’il
connaît quelques personnes qui vivent comme elles l’ont décidé.
« Quoi qu’il fasse, il
s’abîme dans la tristesse. Sa vie est un gâchis, qu’il n’impute à personne.»
Mais le plus souvent, son
esprit bat la campagne… Il se figure des ennemis, de vils conspirateurs dont le
seul but est de lui nuire et avec lesquels, il entretient de violents dialogues
secrets qui, pour son plus grand préjudice, se poursuivent jusque dans ses
nuits et déchirent la trame de ses rêves.
Le puzzle du sens – Sur
la nappe froissée, parmi les cendres, les miettes et les autres saletés, des
morceaux de papier dispersés semblent seuls témoigner que la triste offensive
et les efforts d’un soir, n’ont pas été purement rêvés. La main d’un même
geste, comme saisie de remords, tente de reconstruire le puzzle du sens… Rapidement
il renonce à cette tâche ingrate. Les mots et les phrases raturés avec rage,
dénotent un état d’esprit qui l’étonne et le consterne. Une nuit à peine l’en
sépare ; mais il ne veut plus rien savoir de cette page déchirée, et du
sombre inconnu de la veille.
Dans le labyrinthe de ses
pensées – Chaque nuit, il découvre une nouvelle salle, qui désespère la
description… Murs gris, lisses, sans rien de particulier… Lumière d’un blanc
terne, étouffée, comme celle d’un projecteur recouvert d’un drap… Mais
peut-être est-ce la même, toujours la même, où il est revenu sans s’en rendre
compte, le temps consacré à chercher une issue, donnant seul l’illusion de la nouveauté…
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