Mes occupations
Je peux rarement voir quelqu’un sans le battre. D’autres
préfèrent le monologue intérieur. Moi, non. J’aime mieux battre.
Il y a des gens qui s’assoient en face de moi au restaurant et
ne disent rien, ils restent un certain temps, car ils ont décidé de manger.
En voici un.
Je te l’agrippe, toc.
Je
te le ragrippe, toc.
Je
le pends au porte-manteau.
Je
le décroche.
Je
le repends.
Je
le redécroche.
Je
le mets sur la table, je le tasse et l’étouffe.
Je
le salis, je l’inonde.
Il
revit.
Je
le rince, je l’étire (je commence à m’énerver, il faut en finir), je le masse,
je le serre, je le résume et l’introduis dans mon verre, et jette
ostensiblement le contenu par terre, et dis au garçon : « Mettez-moi donc
un verre plus propre. »
Mais
je me sens mal, je règle promptement l’addition et je m’en vais.
La
simplicité
Ce
qui a manqué surtout à ma vie jusqu’à présent, c’est la simplicité. Je commence
à changer, petit à petit.
Par
exemple, maintenant, je sors toujours avec mon lit, et quand une femme me
plaît, je la prends et couche avec aussitôt.
Si
ses oreilles sont laides et grandes ou son nez, je les lui enlève avec ses
vêtements et les mets sous le lit, qu’elle retrouve en partant ; je ne
garde que ce qui me plaît.
Si
ses dessous gagneraient à être changés, je les change aussitôt. Ce sera mon
cadeau. Si cependant je vois une femme plus plaisante qui passe, je m’excuse
auprès de la première et la fais disparaître immédiatement.
Des personnes qui me connaissent prétendent que je ne suis pas capable de faire ce que je dis là, que je n’ai pas assez de tempérament. Je le croyais aussi, mais cela venait de ce que je ne faisais pas tout comme il me plaisait.
Maintenant j’ai toujours de bonnes après-midi. (Le matin, je travaille.)
Oui... c très caustique !!!
RépondreSupprimerEn effet ! Ce qui m'amuse, c'est cette manière d'écrire sur le ton de l'évidence les plus incroyables absurdités ! C'est très belge, surréaliste. A bientôt !
SupprimerJ'aime également ces deux textes. Ils figurent ds le livre en photo ? (Que j'ai prévu de lire dps de longues, longues, longues années...ainsi que Poteaux d'Angle...). Je ne savais même pas que Michaux était belge, c bien ça ?
RépondreSupprimerSalut Alain, les deux textes appartiennent en effet à ce livre. Mes propriétés est un ensemble de textes publié à l'origine en 1930. Michaux est né à Namur, mais il n'aurait sans doute pas aimé qu'on le dise belge, ou français, ou quoi que ce soit ! A bientôt.
SupprimerOui, sinon Michaux était belge, comme Hergé, Magritte ou Jacques Brel.
SupprimerJe partage sur Facebook.
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