mardi 11 avril 2023

Anna Akhmatova, deux poèmes

Eric Doussin

 

9 décembre 1913

 

Les plus sombres jours de l’année

Ont pour devoir de devenir lumière.

Je ne trouve pas de comparaison

Pour dire la douceur de tes lèvres.

 

Tes yeux, je te défends de les lever vers moi.

Épargne ma vie.

Ils sont plus clairs que les violettes nouvelles,

Mais mortels pour moi.

 

Je l’ai compris : les mots sont inutiles ;

Légères, les branches sous la neige…

L’oiseleur a déjà tendu

Ses pièges près de la rivière.  

 

……………………….

 

Le vingt et un. La nuit. Lundi.

Les contours de la ville dans la brume.

Je ne sais quel nigaud a prétendu

Que l’amour existe sur terre.

Paresse ? Ennui ? On y a cru.

On en vit ; on attend le rendez-vous.

On craint la séparation.

On chante des chansons d’amour.

D’autres découvrent le secret ;

Un silence descend sur eux…

Je suis tombée là-dessus par hasard.

Depuis, je suis comme malade.

 

                               1917

 

 

Anna Akhmatova, Requiem, Poème sans héros (et autres poèmes)

Présentation et traduction de Jean-Louis Backès

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire