À l’heure des vérités
amères,
Marcher dans la ville déserte.
Le ciel, au-dessus des toits,
Semble une toile peinte
D’un noir immaculé
Qu’une main pourrait froisser…
Outre l’éclairage public
D’un blanc laiteux,
Seules brillent, on ne sait pour qui,
Les vitrines des hideuses boutiques,
Qui tassées les unes contre les autres,
Comme des filles des rues,
Exposent du rêve vulgaire et galvaudé…
Si en lieu et place
De toute cette pacotille,
On installait des aquariums,
Les noctambules pourraient s’instruire :
Car au fait, comment font les poissons pour dormir ?
Soudain des cris…
Un homme court après un autre.
Nulle angoisse.
Le premier est hilare,
Ce doit être un jeu,
Une parade d’amour
D’un genre particulier.
Le second s’essouffle à ta hauteur,
Puis avec un cri de hooligan
Ou d’animal en rut,
Repart à la poursuite
Du rire qui s’enfuit…
Le regard tombe.
Dans un renfoncement,
Une masse sombre se révèle être
Un pauvre clochard abruti par l’alcool,
Englouti sous des tas de couvertures
Et d’objets hétéroclites
Qui constituent ses possessions.
Même s’il grogne et gémit
Dans son sommeil,
Lui au moins, on sait comment il dort…
Dans un roman dit réaliste
Où l’auteur se plaît
À tout peindre en gris,
À cet instant précis
Il se mettrait à pleuvoir
Sur tes sombres pensées
Afin de parachever
Le tableau pathétique…
Rien de tel.
Le ciel est une toile peinte,
La ville un décor,
Et il faut te convaincre
Que toi et ce monde
Vous êtes réels…
Frédéric Perrot
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