mercredi 31 août 2022

La vérité d'un être est plus à l'os (publication dans le numéro 76 de la revue Lichen, septembre 2022)

 

Silence oubli néant

Ce qui nous attend

N’est guère excitant

 

L’ironie est un réflexe

Un mouvement de recul

Qui disqualifie par avance

Toute tentative d’expérience

 

Stupide intelligence

Qui rime avec prudence

Nous pourrons nous en vouloir

De n’avoir jamais rien osé

 

La vérité d’un être est plus à l’os

Continuons de forer

Car peut-être faut-il soi-même s’opérer

Pour acquérir la connaissance

 

 

 

Pour aller lire la revue d’Elisée Bec : http://lichen-poesie.blogspot.com/

Her world collapsed early Sunday morning/She got up from the kitchen table/Folded the newspaper and silenced the radio (REM)

 « Her world collapsed early Sunday morning/She got up from the kitchen table/Folded the newspaper and silenced the radio » (REM). Le texte dans son ensemble est énigmatique, livré à l’interprétation, c’est un récit fait d’une voix impersonnelle, une petite scène dans un appartement, une mère et son enfant. La phrase d’entame donne le ton. Le monde de la mère s’est écroulé, effondré tôt un dimanche matin. Solitude domestique. Peut-être que la folie rôde dans cet appartement silencieux… Le récit glisse d’ailleurs au bout de quelques lignes :  « ces créatures » – étrange démonstratif, on ne sait ce qu’elles désignent –  « ont sauté les barricades et se sont dirigées vers la mer ». Serait-ce une image personnelle d’un événement extérieur dont elle aurait pris connaissance ou tout à fait autre chose ? Question qui reste sans réponse ! Mais la mère semble en éprouver une forme de soulagement et de réconfort : elle commence « à respirer », « respirer à la pensée d’une telle liberté ». Elle se lève et chuchote à son enfant  le simple verbe qui donne son titre à la chanson : « belong ». Michael Stipe a souvent dit que la chanson n’est absolument pas le récit d’un horrible suicide à deux, même si la mère ouvre « la fenêtre », avec l’enfant serré contre elle… Elle lui répète seulement « avec calme, calme » : « belong… ». Après plus de trente ans (1991), le son demeure bon, excellent : c’est une pop-song, peut-être un souvenir du Velvet Underground (Sunday Morning, les chansons narratives de Lou Reed) où les chœurs remarquables contrebalancent l’impassibilité apparente du conteur…

 

Pour écouter Belong : https://youtu.be/UOtcV_6wfxQ

lundi 29 août 2022

Encore des polars (pour Anne)

 


A l’exception notable de deux livres de Maurice Blanchot (Lautréamont et Sade, Le Très-Haut) et du très bon roman de Maria Pourchet, Feu – merci Anne ! –, j’aurai donc passé mon été à lire des polars et des romans policiers plus légers, plus fantasques comme ceux de Fred Vargas. Ce n’est pas très sérieux sans doute ! J’aurais pu combler mes lacunes – cette expression laisse à penser que nombre de gens se figurent les lacunes comme des trous ! –, lire des classiques indépassables dont les noms voltigent au-dessus de ma tête – Proust, Joyce –, mais non, je n’y ai même pas songé !

A Hell of a Woman a été adapté pour le cinéma en 1979 par Alain Corneau et Georges Perec et cela a donné un grand film étrange, violent, malade : Série noire, avec Patrick Dewaere et Marie Trintignant. Frédéric Perrot.


vendredi 12 août 2022

De l'assassinat considéré comme une forme d'art

 

Il y a différentes façons de procéder pour qui veut tuer une jeune personne très tendre. Pour choisir sa victime, le plus simple est de laisser faire le hasard, qui est le meilleur des juges, tant il est certain qu’il ne s’agit en vérité que de sortir dans la rue par un bel après-midi et de se décider pour la première qui en quelque manière vous plaira. Chacun a ses critères et aucun n’est méprisable. Celui-là appréciera une épaisse chevelure noire où enfouir son visage, tel autre sera sensible à un nez comme un bec d’oiseau sur lequel est posée une paire de lunettes rondes et tous deux auront raison : la beauté est dans l’œil de celui qui regarde. Il est ensuite très sain et excellent pour la santé de suivre votre élue à travers les rues de la ville. Voir une jeune personne flâner est un plaisir rare, que ne peut qu’approfondir l’idée qu’elle ne soupçonne rien de ce qui l’attend : est-il en effet plus beau spectacle que celui de l’innocence qui ignore encore qu’elle sera sacrifiée ? Un esprit raffiné ne se lasserait pas de suivre ainsi sa promise des heures durant : l’observant à la dérobée, attentif à ses moindres gestes, ébloui par la soudaine bêtise d’une expression… Si la chance vous sourit, l’exquise aura peut-être ce jour-là décidé de s’acheter des vêtements dans quelque grand magasin où vous pourrez sans peine la suivre en vous mêlant à la foule des clients. (Il est à noter par parenthèses qu’il serait en revanche très imprudent de la suivre dans quelque petite boutique exclusivement féminine où la moindre présence masculine sans compagnie ne peut passer inaperçue). Dans les grands magasins, l’époque n’aimant rien tant qu’à être indiscrète, il est ce que l’on nomme des cabines d’essayage, à proximité desquelles il vous sera fort loisible de rester sans avoir l’air de rien. Un simple rideau de toile vous séparera alors du corps hautement désirable de votre aimée et il est à noter d’ailleurs que les miroirs couvrant murs et plafonds vous seront d’une aide précieuse, en vous permettant de vous livrer à votre vice de la plus innocente des façons. Vice est un mot bien fort soit dit en passant : voir sans être vu est après tout le secret fantasme de tout à chacun. Il est à parier que la divine après avoir perdu quelques courtes heures dans les cabines d’essayage aura le désir de rentrer chez elle en fredonnant quelque petit air entendu dans le magasin : ce qui est la marque chez ces êtres simples du plus pur contentement. Peut-être fera-t-elle encore un détour auparavant dans quelque café, mais cela n’a rien de grave : il vous sera à vous aussi très agréable de vous rafraîchir et vous sustenter, avant de passer aux choses sérieuses. Rien n’est plus désobligeant que de tuer le ventre vide et la bouche sèche, et les pauvres en cela comme en tout, sont bien à plaindre. Il s’agira pour vous après cet intermède plaisant de la suivre jusque chez elle. Si l’exquise habite un immeuble, vous pourrez respectueusement vous signer et remercier ce Dieu d’amour et de bonté qui quelque part dans les nuées veille à ce que tout se passe comme vous le souhaitez : car rien n’est plus facile que d’entrer dans un immeuble. Vous pourrez sans peine lui emboîter le pas ou évoquer si cela vous chante des clés oubliées, un ami dont le nom ne figure pas sur la sonnette, les prétextes les plus futiles constituant toujours les meilleurs mensonges. Ce sera alors un plaisir enivrant de la suivre dans les escaliers ou de partager avec elle l’ascenseur et vous pourrez même vous offrir le luxe de lui adresser poliment la parole. Elle s’arrêtera par exemple au sixième et vous aurez alors tout loisir soit de sortir directement à sa suite après l’avoir galamment laissé passer, soit de monter jusqu’au septième pour redescendre au plus vite par les escaliers. Le plus difficile dans les deux cas sera de la pousser à l’intérieur de son appartement en l’empêchant de crier. En plus des indispensables gants, il peut être très utile à cet égard de vous munir d’un ruban de bande adhésive : outre que les cris d’une femme sont passablement agaçants, une bonne éducation et un certain savoir-vivre exigent de ne pas déranger le voisinage. Par ailleurs, il n’est pas spectacle plus fascinant que celui d’une jeune personne qui empêchée de crier roule des yeux paniqués. La belle en effet, même si elle n’est pas des plus futées, est tout à fait capable d’imaginer très rapidement ce qui va lui arriver : la littérature à deux sous, la télévision et le cinéma entre autres lui en ont donné d’innombrables aperçus. À cet endroit, il faut préciser qu’il est très nécessaire que votre jeune victime demeure toujours consciente. Si vous commencez à la rouer de coups et qu’elle s’évanouit, il ne tiendra qu’à vous de vous apaiser et d’attendre qu’elle reprenne ses esprits : cela sera beaucoup plus amusant. Il serait fort indélicat en vérité qu’elle soit aux premières loges et privée du spectacle. Torturer un corps évanoui est en outre très ennuyeux : il faut qu’il se débatte et vous résiste, cela fait partie du jeu et vous donnera encore l’occasion de l’attacher amoureusement avec quelque corde ou quelque fil fin susceptible de lui lacérer les poignets. Il faut d’un mot que votre jeune victime sache à tout instant, ait toujours à l’esprit qu’elle va mourir, que cela est injuste, qu’elle ne l’a pas plus que personne mérité, que vous l’avez choisie par hasard et que la vie n’est qu’une farce odieuse :  ce que vous pourrez lui murmurer à l’oreille, si vous vous sentez d’humeur sentimentale. Vous pourrez également si vous le désirez la déshabiller et la contraindre sexuellement comme on le dit de nos jours avec un sens de l’euphémisme plaisant. Mais ne perdez pas de vue que rien ne ressemble plus à un corps de femme qu’un autre corps de femme, qu’à la longue cela est lassant et qu’il est des plaisirs plus sophistiqués que le simple rut animal. Cependant si cela peut vous soulager, n’hésitez pas. Il sera en tout cas plus divertissant de la faire souffrir de mille et une façons. L’imagination des hommes en ce domaine touche parfois au sublime Si elle peut par exemple s’enorgueillir d’une épaisse chevelure noire, commencez par lui raser le crâne avant de l’épiler impeccablement de haut en bas, sans oublier de la blâmer de sa négligence. Ses yeux que la terreur agite vous agacent ? Retirez-en lui un et faites-le choir de son orbite : cela est très simple en y enfonçant les doigts et ne fera qu’augmenter la terreur de l’autre. De même, il est un endroit du cou où la peau est si fine que l’on peut en y passant simplement la lame d’un couteau trancher promptement une gorge et par suite, si cela vous tente, détacher la tête du torse. Mais ne cédez pas à l’impatience : l’important pour vous est de justement garder la tête froide et de jouir de sa souffrance le plus longtemps possible. Si vous vous sentez quelque don de plasticien comme on dit de nos jours, vous pourrez lui dessiner sur tout le corps ou tel un créateur consciencieux sculpter longuement sa chair au couteau ou avec quelque autre instrument dont le choix vous appartient. De même si vous vous sentez quelque talent de vidéaste, autre vilain néologisme, vous pourrez également la filmer. Il est à noter néanmoins qu’une telle pratique est des plus vulgaires, puisque tout à chacun –  de l’ouvrier dans ses parties de jambes en l’air avec mémère jusqu’au bourgeois cultivé dans ses partouzes – peut s’y livrer, s’il dispose d’une caméra : cet œil des borgnes… Comme tout ce qui est commun, filmer n’a donc guère d’intérêt. Mais il est vrai, cela est humain, que vous conserverez ainsi quelques souvenirs de votre après-midi. Il est non moins vrai que vous pourrez par la suite vendre et diffuser votre bande auprès de ce que l’on nomme des publics avertis : hommes et femmes respectables toujours friands de sensations fortes et de ces meurtres filmés en direct. Si par contre plus impérieusement vous vous sentez d’un coup l’estomac dans les talons comme on le dit de si élégante façon, n’hésitez pas à lui manger, qui sait un orteil, un doigt, quelque organe sanglant par vos soins retiré : l’amour est aveugle, la passion dévorante et après tout il s’agit bien de consommer dans tous les sens du terme. Une jeune personne très tendre est un mets délicat que seuls peuvent apprécier des palais lassés de l’affreuse cuisine moderne. Et si vous vous sentez d’humeur badine, vous pourrez toujours lui murmurer à l’oreille qu’un certain poète pouvait à une époque hélas révolue prétendre qu’une cervelle d’enfant doit avoir comme un goût de noisette. Il est certain qu’elle appréciera même en ces circonstances fâcheuses pour elle votre culture subtile, votre sens de l’humour et vous saura gré de l’envoyer dans l’autre monde sur un mot d’esprit. Viendra en effet hélas le temps où il faudra en finir. Vous aurez alors une fois encore toute latitude d’agir selon votre désir. Si vous êtes las, l’étranglement, le couteau planté dans la gorge pourront utilement et rapidement vous débarrasser de cette gêneuse. Si vous vous sentez encore relativement en forme, il vous sera très agréable de la couvrir de quelque substance inflammable pour l’embraser, non de vos ardeurs, mais en laissant tomber presque à regret quelque allumette purificatrice et susceptible encore d’effacer nombre de traces. N’oubliez pas de même de la remercier de vous avoir consacré un peu de son temps et jurez lui non moins que vous la retrouverez dans l’Eternité. Il ne vous restera plus dès lors qu’à rentrer chez vous pour dormir d’un sommeil parfaitement paisible, après avoir quelques instants encore médité sur la fugacité des êtres et des choses.

 

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Ce texte écrit à la fin du siècle précédent (!) est bien sûr un exercice de style, presqu’un pastiche, à la manière de Baudelaire – le poète qui se plaisait à imaginer le goût de la cervelle des enfants – et de Sade, pour l’ironie sans interruption… J’ai toujours été étonné à ce propos que nombre de grands esprits – Breton, Blanchot, Bataille, entre autres– aient pu faire tant de bruit autour de ce fameux Marquis, qui n’est qu’un écrivain ennuyeux et secondaire… Par ailleurs, la littérature de genre et le cinéma américain aiment à nous présenter les tueurs en série comme des artistes et des génies du mal (Le Silence des agneaux, le risible Seven…). Rien n’est plus faux. Les tueurs en série ne sont en général que des brutes épaisses, des fauves dépourvus de toute intelligence. Il n’y a pas de génies du mal ; le mal est sans génie : il est banal, terriblement banal… Frédéric Perrot

 

mercredi 10 août 2022

Authentification en cours

 

Authentification en cours

Demain je ne sais pas

Analyse des paramètres

Mais je suis encore humain

Vérification des données

La nuit dernière j’ai rêvé

Installation des périphériques

Depuis combien d’années n’avais-pas rêvé

Contrôle du code biologique

Je vais faire corps avec la machine

Contrôle des structures cérébrales

Ce sera un semblant d’éternité

Contrôle des informations relatives à l’engagement

Je vais dormir et peut-être que dans dix cent mille ans

Authentification terminée

Me réveillera-t-on pour m’envoyer travailler dans les mines

Initialisation de la procédure

D’une planète lointaine

Procédure terminée avec succès

Ou peut-être ne me réveillera-t-on jamais

Bienvenue au sein de notre entreprise N23RY2 – Vous êtes autorisé à vous allonger dans le sarcophage

 

 

                               Ecrit au début des années 2000 – Frédéric Perrot

 

Distribution automatique

 

C’est un incident bien ordinaire de voir sa carte bancaire avalée par un distributeur automatique de billets suite à une fausse manœuvre. Cela en est un tout autre, après que la dite carte a été avalée, de voir s’inscrire sur l’écran en lettres scintillantes le message suivant : votre carte a été avalée, veuillez introduire votre main. Et que faire d’autre qu’obtempérer et obéir, alors que derrière vous gronde toute une foule avide de liquidités ? Mais comment faire ? Alors qu’il semble difficile de passer plus qu’un ongle dans l’espace fort étroit par lequel votre carte a disparu ?

Cependant la foule continue de gronder et comme vous ne voulez pas être la cause de quelque scandale public, en hésitant vous approchez vos doigts… À ce moment, avec un petit sifflement, s’écarte à côté de l’écran un pan métallique qui laisse apparaître un orifice dans lequel il est évident que vous n’auriez aucune peine à glisser non seulement votre main, mais une bonne partie de votre avant-bras. Tout cela est remarquablement pensé, songez-vous en vous penchant pour regarder à l’intérieur de l’orifice, ce doit être un nouveau système de sécurité. Il est si fréquent que le débiteur commette une erreur en composant son code confidentiel que l’on a voulu y remédier en offrant cette nouvelle possibilité de récupérer sa carte. Il se peut même que cela soit connu, qu’on en ait parlé aux informations et que ce qui vous surprend présentement n’étonnerait personne. Vos collègues de travail ne vous le disent-ils pas sans cesse ? Vous avez le tort de ne pas suffisamment vous tenir au courant. Vous avez le tort de ne pas suffisamment vous informer. Il faut être de son temps et utiliser à bon escient toutes les innovations technologiques mises à disposition par la société : leur but ultime n’est-il pas de simplifier l’existence de tout à chacun ? Et comme cela vous ennuie tout de même un peu d’avoir vu disparaître votre carte à l’intérieur de la machine, comme derrière vous gronde toute une foule impatiente, sans plus hésiter, vous glissez dans l’orifice non seulement votre main, mais une partie de votre avant-bras.

Vous êtes surpris de constater que contrairement à ce que vous auriez pensé l’intérieur de la machine n’est pas une surface dure et froide, mais quelque chose de chaud et de mou où il est agréable de mettre la main et d’agiter les doigts. Ce qui vous étonne non moins, c’est qu’au moment où vous avez glissé votre main, avec un petit sifflement, l’orifice s’est resserré autour de votre bras et qu’il vous est dorénavant impossible de l’en retirer. Ce doit être la procédure, songez-vous, la machine libèrera votre main, lorsque l’opération sera finie. Cependant, alors que vous agitez les doigts à l’intérieur de la machine, en attendant que sur l’écran apparaisse un message qui vous indiquera la démarche à suivre, vous entendez comme un gémissement qui, en tout autre lieu, dans une chambre par exemple, serait assez excitant, mais qui en l’occurrence sur un trottoir, alors que derrière vous il y a du monde, est passablement gênant. D’autant qu’il semble évident que le gémissement provient de la machine et correspond aux mouvements de vos doigts dans ce quelque chose de mou et de chaud qui, à mesure que vos doigts s’agitent, devient humide… Assurément cela n’est pas ordinaire ! Et effrayé, vous tentez de retirer votre bras. Cela se révèle impossible et le gémissement de la machine devient un râle continu de plaisir, alors que vous vous démenez pour retirer votre bras. Désespérément, tandis que la machine commence de vibrer en poussant de véritables cris, comme aucune femme sans doute n’en pousserait, même au comble du plaisir, vous tournez la tête, tendez votre autre bras de façon suppliante vers la personne qui se trouve derrière vous…

C’est une jeune femme à la chevelure claire qui vous considère avec dégoût et a reculé de quelques pas, comme pour n’avoir aucune espèce de rapport avec vous et comme si vous étiez responsable de tout cela. Vous tendez votre bras vers elle, l’appelez, en lui répétant que vous n’y êtes pour rien… Mais les cris de la machine couvrent votre voix et la jeune femme recule encore en pressant contre sa poitrine son sac à main, comme si elle craignait que vous vouliez la voler… Et à l’instant où vous songez que tout cela est risible, que chacun à commencer par cette jeune femme est incapable de se figurer la souffrance d’un autre, passera son chemin plutôt que d’y être mêlé, fermera les yeux et accélérera le pas s’il le faut, irrésistiblement vous vous sentez aspiré par la machine qui après avoir avalé votre carte, vous avale à présent.

 

 

Le texte a été écrit au début des années 2000. Frédéric Perrot