mardi 29 septembre 2020

La véritable nuit de l'âme (avec un dessin de Jimmy Poussière)

 

Jimmy Poussière 


Il est trois quatre heures du matin
La véritable nuit de l’âme
Comme l’écrivait le plus étincelant
Et le plus malheureux
Des romanciers américains
 
Toute vie est bien entendu un processus de démolition
 
Il est seul avec sa douleur
C’est le lot de tout à chacun
La douleur ne se partage pas
C’est son corps qu’elle tourmente
Son esprit qu’elle assombrit
 
Il est trois quatre heures du matin
La folie habituelle de la ville
Est dans une phase de latence
Et le temps comme suspendu
En une piètre éternité
 
Des visions fugaces
Le maintiennent éveillé
Par instants ses yeux brûlent
Milliers de points
Qui semblent crépiter
 
Mêlés aux anxiétés
Mesquines du petit salarié
Aux inavouables petites envies
Aux vagues regrets 
Reviennent les événements du jour
 
L’éprouvante laideur des images
Le triomphe de la mort
Les tueries les corps les visages
Jusqu’à ce que le regard tombe
Sur le portrait des assassins
 
Ces vomissures à forme humaine
Et qui voulaient mourir les imbéciles
Et que d’autres nombreux meurent avec eux
Sans quoi sans doute la jouissance
Ne serait pas complète…
 
Il doit être près de cinq heures à présent
Bientôt les oiseaux
Commenceront d’appeler l’aube de leurs vœux
Retentiront leurs cris joyeux
La ville réveillera ses fous
 
Et ce sera un autre jour
 

          Le texte a été écrit en 2016. Il appartient au recueil inédit Les fontaines jaillissantes (janvier 2020). Je l’ai lu jeudi dernier, lors de l’Octogone des poètes. Frédéric Perrot. 

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