Eric Doussin |
Les enfants du silence miment des jeux et des danses. Sous la direction
de la plus âgée, une jeune fille pâle de quatorze ans à peine. Elle porte le
chapeau qui leur servira au cours du spectacle qu’ils donnent devant le camp de
l’armée étrangère. Leur petit théâtre de rue – même si dans leur ville ravagée,
des rues il n’y en a plus – amuse beaucoup les soldats, qui les regardent en
nettoyant leurs armes, assis sur des caisses. Les enfants du silence jamais ne
disent un mot. C’est inutile : les soldats ne comprennent pas leur langue,
et comment lutter avec le vacarme des hélicoptères qui décollent, le bruit des
sirènes et celui des explosions au loin ? À la fin la plus âgée passe avec
son chapeau. Certains soirs, pas tout le temps hélas, on s’avise de leur
distribuer des paquets de gâteaux secs et quelques bouteilles d’eau. C’est le
meilleur des salaires ! Et riches de ces trésors, qu’ils devront se partager,
le regard fier, les enfants du silence retournent pour la nuit dans les caves
où ils vivent.
Le texte a été écrit en août 2019. Frédéric Perrot.
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