Eric Doussin |
Afin de changer d’air, il était parti à l’étranger,
dans une petite station balnéaire de la côte italienne.
Il était midi, la plage était quasi
déserte. De loin en loin, il apercevait deux ou trois hommes seuls étendus sur
des serviettes et qui devaient suer à grosses gouttes. Il y avait aussi une famille
dont les parents comme les enfants semblaient stupéfiés par le soleil, tous
ayant trouvé refuge sous un parasol blanc. Il était seul dans l’eau et il
nageait avec bonheur.
A un moment, alors qu’il accomplissait ses
mouvements avec attention – il n’était qu’un piètre nageur qui n’avait appris
que la brasse –, il connut une curieuse extase. Comme si son bonheur, le
silence, la beauté du monde qui l’entourait, la conjonction de tout cela avait
donné à sa pensée des perspectives plus vastes et insoupçonnées, il songea sans
effort particulier que des milliers d’années auparavant des hommes et des
femmes à moitié sauvages avaient dû se baigner dans cette même eau, courir sur
cette plage, muettement émerveillés de toute cette splendeur. Un instant, dans
le mouvement des vagues, il eut même la vision fugace de leurs corps mats et robustes,
comme si ces lointains ancêtres, ces bons sauvages avaient nagé à ses côtés…
Ce n’était qu’une illusion.
Il sortit de l’eau. La plage bruissait de
monde. Un avion traînant derrière lui une banderole publicitaire passa dans le
ciel et rompit définitivement le charme. Ce n’était qu’une illusion…
Mais comme sa pensée lui semblait en
général contingente, sans horizon, décevante, il ne fut pas mécontent de cette courte
échappée, ce rapide saut dans le temps et se promit de s’en souvenir, les
jours où il serait malheureux.
Frédéric
Perrot
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