Eric Doussin |
Les
hommes ont un vif besoin de beauté. La beauté est ce qui les réconcilie même
pour un court instant avec la vie et leur propre existence.
« La beauté sauvera le monde », dit un personnage de
Dostoïevski. L’Idiot est le plus
triste de ses romans et le personnage en question un phtisique à
l’agonie : le pauvre Hippolyte, qui meurt à dix-huit ans.
Nous
ne sommes pas des « victimes du
devoir », nous n’en avons qu’un seul : laisser une chance à la
beauté.
Je
n’ai ni goût, ni talent pour la dialectique. La beauté ne se prouve pas et nous
sommes parvenus à cette heure étrange, où règne la haine de la beauté. Paysages
ravagés pour des raisons industrielles. Enlaidissement progressif de tout
horizon. Destructions d’œuvres d’art millénaires…
Les
fossoyeurs de la beauté la préfèrent artificielle…
Entièrement créée par et pour l’homme. Ce n’est pas leur problème si le monde
disparaît : ils ne l’ont jamais aimé.
Propos
de table – « Non, non, je n’aime pas ce poète. Je l’imagine trop
volontiers au volant d’un bulldozer,
à crier des vers, un bâton de dynamite à la main… »
Levé
tôt, j’ai repensé à toi, à tes yeux, ton visage… Toi aussi, tu semblais
« disposée à l’adieu, après chaque étreinte » : « willig dem Abschied, nach jeder Umarmung »
Mais il ne tenait peut-être qu’à nous de laisser encore une chance à la beauté…
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Les
mots allemands cités sont de la poétesse Ingeborg Bachmann. Traduction
française Françoise Rétif. Toute personne
qui tombe a des ailes. Poésie/Gallimard, 2015.
Frédéric
Perrot. Janvier 2019
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