L’inutile ressassement
Pour créer quoi que ce soit, l’esprit doit
croire à ses propres chimères. Entre
tout ce qui te manque, te manque aussi cette force.
L’inutile ressassement – « Je
ne rends pas les coups, mais je ne pardonne
pas, si je me sens offensé. La célèbre prière que le Christ lui-même aurait
enseignée à ses premiers disciples est d’un idéalisme bien luxueux ; elle
me semble manquer de tout sens psychologique et méconnaître l’homme de la rue,
l’homme réel, qui parfois tient à son
offense, la ressasse, la nourrit, car elle est ce qui le fait vivre.»
Le désir de se venger – « Je sais que
le désir de se venger est en soi absurde. Mais combien d’heures ai-je passées à
échafauder des plans, tout en sachant que je ne les mettrai pas en œuvre… »
Ou : « Il s’est peut-être vengé
; peut-être un instant a-t-il, étanché sa soif… Mais il n’en est même pas sûr
et n’en tire aucun profit. Plus une vengeance est différée, plus elle devient
irréelle… »
Il y a peut-être des « actes manqués » ;
il y a surtout des actes inutiles,
accomplis tout à fait consciemment. « Imaginer ou agir » – Rester
autant que se peut dans la première moitié de l’alternative…
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« N’écris pas pour te
venger ». Et si malgré tout tu cèdes à cette triste impulsion, que ta
vengeance demeure abstraite.
Les absurdes vengeances familiales – « On devrait se garder d’écrire pour
régler des comptes et considérer par exemple que nos parents seront les premières
personnes à ne pas nous lire…»
Ne médisons pas de nos pères – « Qui
sait s’ils nous ont voulus ? Ce sera tout sur ce sujet, trop facilement glissant…»
Ou : « Nous ne pensons pas,
comme l’écrivait imprudemment un auteur à la mode, que nous serons vrais en
étant abjects… »
Un être sans profondeurs – « Non
qu’il en fût dépourvu, mais parce qu’il refusait de leur accorder l’importance
excessive qu’une certaine modernité leur a prêtée ! »
Ou : « À quoi cela nous
servirait-il d’être profonds ? »
Une grande vulgarité – « Il y a une
grande vulgarité à tout vouloir dire ou même à croire que tout peut être dit.
Je ne suis que mépris pour les tenants de la parole spontanée, prétendument
libre, ennemis déclarés du silence. Il faut savoir se taire pour avoir
peut-être parfois quelque chose à
dire. Il faut savoir se taire aussi car la parole inconsidérée peut être pour
l’autre une blessure.»
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Dans
une lecture récente :
« Il y a des gens dont la religion
consiste à toujours pardonner les offenses,
mais qui ne les oublient jamais. Pour moi je ne suis pas d’assez bonne
étoffe pour pardonner à l’offense, mais je l'oublie toujours.» (Albert Camus,
Cahier VII, octobre 1953)
Frédéric Perrot
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