Dans le bâtiment
abandonné où nuitamment il entre afin d’y dormir, se trouve déjà, debout et
immobile, dans un angle formé par deux murs, un homme dont il n’aperçoit d’abord
que le visage dans le halo de lumière blafard qui tombe obliquement d’une haute
verrière, ainsi que les deux yeux qui, grands ouverts, semblent contempler quelque
spectacle connu de lui seul… Et comme cloué sur place par cette soudaine vision
d’un être réduit à son seul visage suspendu dans les ténèbres, il ne peut
réprimer un cri qui dans le silence, semble se répercuter interminablement… L’homme
cependant demeure sans réaction, comme si rien de tout cela ne s’était produit :
ni sa brusque arrivée, ni son cri, ou comme s’il était à ce point perdu en lui-même,
debout et immobile, le visage nimbé de lumière, que rien ne pouvait l’atteindre…
Et s’enhardissant, quoique sans avoir une idée précise de ses intentions, il s’approche,
agite sa main devant ce visage, le touche… Et comme l’autre demeure toujours sans
réaction, il a la sensation de ne pas avoir affaire à une créature de chair et de
sang comme lui, mais à quelque mystérieuse statue elle-même abandonnée dans le bâtiment… Ce qui provoque bien malgré lui son rire, un rire nerveux, qui s’étrangle…
Et plus que son immobilité, plus que l’inhumaine absence au
monde qui est celle de cet être inerte, ce qui l’effraie et le tourmente, c’est
l’inertie de son regard… Ce qui l’oblige à se détourner et à s’enfuir du bâtiment
abandonné, c’est le vide effrayant que ce regard reflète, un vide si effrayant
que l’homme en est resté pétrifié, les yeux à jamais grands ouverts…
Ecrit
dans les années 2000. Frédéric Perrot
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