Dans
une prose archaïque, parlée plus qu’écrite, je raconte comment, à la veille de
la guerre, j’atterris en Argentine, comment l’explosion de la guerre m’y
surprit. Moi, Gombrowicz, je fais la connaissance d’un « puto »
(pédé) amoureux d’un jeune Polonais, et les circonstances me font l’arbitre de
la situation : je peux précipiter le jeune homme dans les bras du
pédéraste, ou faire en sorte qu’il reste auprès de son père, un commandant
polonais vieux jeu, très honnête et très honorable. Le pousser dans les bras de
ce « puto », c’est le livrer à l’inversion, le jeter sur des routes
qui ne sont pas tracées, dans une onde où tout devient possible, dans une
anomalie qui ne connaît pas de bornes. L’arracher au pédéraste et le restituer
au père, c’est le maintenir dans la posture polonaise traditionnelle, honnête
et respectueuse.
Que
choisir ? La fidélité au passé… ou la liberté d’un devenir ouvert ?
L’enchaîner à sa forme ancienne ou lui donner la liberté et qu’il fasse ce que bon
lui semble ? Qu’il se crée lui-même ? Dilemme qui aboutit dans le
roman à un éclat de rire général qui dépasse jusqu’à ce dilemme.
C’est
ainsi que Witold Gombrowicz présente Trans-Atlantique dans Testament,
son livre d’entretiens avec Dominique de Roux. Cela paraît un résumé bien sage
de ce court récit, roman, fantaisie, délire qui défie toute description raisonnable.
À commencer par son style, en
effet « archaïque » et marqué par une prolifération de
majuscules qui n’ont absolument aucun sens, au point que les traducteurs en ont
même supprimé quelques-unes ici ou là ! L’absurde y est féroce et agressif,
comme chez Gogol ou dans le théâtre de Ionesco, contaminant jusqu’au langage,
dont le vide et la bêtise nous sont suggérés presque à chaque ligne… L’écriture
de Gombrowicz est volontiers répétitive et obsessionnelle, mais l’auteur
développe malgré tout sa comédie de mœurs avec personnages, sa petite intrigue de
« puto » et de fils de bonne famille polonaise. C’est de la
littérature avant-gardiste et excessivement drôle par moments, bien
sûr !
Witold
Gombrowicz, Trans-Atlantique
Traduit
du polonais par Constantin Jelenski et Geneviève Serreau.
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