René Char et Albert Camus, à L'Isle-sur-la-Sorgue, en 1949 |
Tu es pressé d’écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S’il en est ainsi fais cortège à tes
sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu
acceptes de t’unir,
Celle qui t’est refusée chaque jour par
les êtres et les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là
quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d’elle, tout n’est qu’agonie soumise,
fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton
labeur,
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve
bon le mouchoir aride,
En t’inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation
du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.
Essaime la poussière.
Nul ne décèlera votre union.
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