Une nuit d’été particulièrement chaude, il rêva du
meurtre de sa compagne.
Dans une vaste chambre sans fenêtre, Claire, dont la
lourde masse de cheveux sombres semblait s’égayer au hasard des mouvements
d’une danse que rien par ailleurs n’attestait, se tenait droite et fière dans
un angle obscur ; et, seule une inexplicable luminosité laiteuse, dont on
aurait en vain cherché à déterminer l’origine, trahissait sa présence…
À ses pieds, en un monticule confus et sanglant,
gisaient les dépouilles de plusieurs oiseaux morts. Une étouffante odeur de
poudre alourdissait encore l’atmosphère lugubre de la vaste pièce ; mais
il n’y avait nulle part trace d’un fusil ou d’une autre arme à feu… Il semblait
d’ailleurs inconcevable que Claire eût pu s’adonner à cette pratique qu’ils
tenaient tous deux pour un reste de barbarie !
Il voulut lui parler, afin de lui demander raison de
cet écœurant tableau de chasse ; mais à travers le vaste et silencieux
espace qui les séparait, sa voix ne portait pas et il dut s’approcher, avec des
mouvements pénibles et las…
Alors, dans le dos de Claire, comme confondu avec la
paroi et prêt à en surgir avec l’élan effroyable d’une gargouille, il remarqua
un être masqué et musculeux et dont les proportions étaient si parfaites
qu’elles évoquaient les patients efforts d’un sculpteur… Homme ou statue,
l’être masqué semblait de toutes ses forces vouloir se libérer, s’arracher à la
prison que constituait pour lui le plâtre gris du mur…
Et dans son élan désespéré pour échapper à la rude
impassibilité de la matière, le masque, penché au-dessus de Claire comme pour
lui murmurer un mot à l’oreille ou déposer dans son épaisse chevelure la
promesse d’un baiser, le masque pleurait… Et des larmes rouge sang
dégoulinaient en de sinueux ruisseaux, sur tout le corps blanc et à présent
soulevé de convulsions de la jeune femme qui haletait, et dont les traits,
autrefois paisibles et doux comme ceux d’un enfant, se tordaient dans les
affres d’une douleur et d’un plaisir inconnus…
En un instant, il comprit qu’il devait mettre fin à
cet épouvantable accouplement ; et, avisant sur le sol, dans la poussière,
un vase brisé, il l’empoigna ; et, en le soulevant à bout de bras, avec un
mouvement de rage aveugle et de toutes ses forces, il enfonça l’hideux tesson
dans la chair molle et le ventre rebondi de sa compagne…
Lorsque dans un frisson, il ouvrit les yeux, il se
tenait au bord du lit de Claire ; et, en écartant le drap avec un geste
fiévreux, il découvrit la large auréole de sang dans laquelle baignait son
corps blanc et sans vie…
Il quitta la chambre et se rendit dans le salon où il
composa le numéro de la police.
« C’est pour vous signaler un meurtre, dit-il
d’une voix blême et perdue, c’est pour vous signaler un meurtre, quelqu’un a
assassiné ma compagne et l’enfant qu’elle portait, quelqu’un, qui, moi, je ne
sais pas, a cette nuit, assassiné Claire Flamant… »
Le texte
appartient au recueil autoédité Les heures captives (décembre 2012). Frédéric
Perrot.
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