Eric Doussin |
En son palais solitaire, envahi de vils
intrigants, ivres de vin et rouges de désir, dormait malgré leurs cris la douce
et pieuse Pénélope. Jeune et belle comme elle ne l’était plus, elle marchait
sur une plage en la compagnie soucieuse de son fils Télémaque et insensiblement
un vent léger la soulevait et l’emportait dans les airs. Elle riait de plaisir
à voler tel un oiseau et son voyage ne dura que ce que dure un songe. Elle marchait
sur une plage inconnue, en proie à un pénible pressentiment. Il lui semblait être
infiniment loin de son pays natal, en un lieu où elle, une mortelle, n’aurait
pas dû se trouver. L’air bruissait de chaleur, un frisson la parcourut... Parmi
les arbres, elle crut entendre la voix de son époux et son cœur bondit de joie.
Mais un rire de femme la figea sur place. À travers le fin rideau d’une cascade
– ou étaient-ce les larmes qui embuaient ses yeux ? –, elle les vit passer
devant elle. La femme était d’une beauté prodigieuse et elle eut honte de son
visage ridé et de ses cheveux blanchis. Elle savait à présent pourquoi son
époux n’était jamais revenu de cette guerre insensée ourdie par les dieux. Elle
l’eût préféré mort, proféra une parole de malédiction et se réveilla. Son fils
était penché sur elle et lui dit qu’attiré par ses plaintes, il était venu
observer son sommeil. Pénélope le rassura à demi-mots, se souvint qu’elle était
reine et se leva avec dignité, pressée de se défaire des derniers vestiges de
son rêve.
Frédéric Perrot
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