Carnages
végétariens
Do you
know how animals die ?
The Smiths, Meat is murder
Longeant les murs des anciens abattoirs, je
songeais à la mort des animaux, à la manière dont, pour éviter aux poules
affolées de se déchirer entre elles dans leurs cages, les industriels de
l’agroalimentaire avaient eu un jour la judicieuse idée de leur faire couper le
bec. Tout l’homme est dans ce genre d’ingéniosités.
Ma pensée dérivant, je songeais plus
obscurément à d’autres carnages. Aux boucheries familiales au cours desquelles
on gave l’enfant écœuré, sous prétexte qu’il faut bien finir son
assiette. Aux boucheries internationales au cours desquelles, entre autres miracles,
on cimente le vagin des femmes en gésine pour des raisons hygiéniques – C’est
que les viols collectifs nécessitent du temps et de la sueur et supposent de
s’accoupler malgré tout avec la vermine… Or, qui couche avec les chiens,
n’est-ce pas ?
Il tombait une pluie froide, dégoûtante,
probablement empoisonnée par tout un siècle de révolution industrielle ;
et j’étais las de la laideur de mes pensées, j’étais las de toute cette encre…
Opportunément, je songeais à toi et à
d’autres carnages plus pacifiques, sans haine, végétariens comme nous
les nommions en manière de plaisanterie. Désordre des draps, souffles, râles.
Douces offensives, tendres batailles, brusques embardées pour l’origine du
monde… Comme des animaux affamés, assoiffés et qui jamais ne connaîtraient
les tristesses de la satiété ?…
Oubliant un moment cette saleté de pluie,
grisé par ces soudaines visions, je rentrais chez moi, heureux, heureux, comme
on peut l’être malgré tout, dans un monde où l’on cimente le vagin des femmes
et où l’on coupe le bec des poulets.
Le texte est extrait du recueil auto-édité Les heures captives (décembre 2012).
Frédéric Perrot
pour écouter le morceau des Smiths, Meat is Murder
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