L’histoire
de ce premier et court roman paru en avril 1974 est connue. Carrie White est
une jeune fille pas très jolie, timide et effrayée, souffre-douleur de ses
camarades et de sa mère, une fanatique religieuse de la grande espèce. Carrie
White possède également un étrange pouvoir : la télékinésie, qui lui permet
de déplacer des objets à distance. Le roman commence par une scène de douche
collective, qui devait beaucoup exciter ce réalisateur voyeur qu’est Brian De
Palma, au cours de laquelle la pauvre Carrie, seize ans, découvre avec horreur du
sang qui s’écoule le long de ses jambes. La malheureuse qui n’a bien sûr jamais
entendu parler ni chez elle, ni à l’école des « règles » ou de la « menstruation »
se croit en train de mourir. Ses camarades de classe à la fois dégoûtées et
amusées ne manquent pas de l’humilier une fois de plus en la bombardant de
tampons hygiéniques... Il faut le noter à cet instant : Carrie est un
roman assez dérangeant et Stephen King ne fait pas dans la dentelle. L’ironie
et la dimension de critique sociale sont indéniables. La plupart des
personnages – les adolescents comme les adultes – sont des condensés de médiocrité
humaine et composent un tableau sarcastique de l’Amérique des années 70 : culte
de l’apparence, règne des bons sentiments, nostalgie des glorieuses années 50,
et fanatisme religieux, violence, bêtise et brutalité crasses… Le roman qui se
donne aussi pour un conte – contre toute vraisemblance et comme Cendrillon, la
souillon Carrie White se voit invitée au bal de fin d’année par le garçon le
plus « populaire » (1) –, est habilement composé : à la narration se
trouvent mêlés des extraits des nombreux livres écrits après les événements
racontés (L’Ombre dissipée) ainsi que des extraits des rapports de la Commission
d’enquête White, de sorte que le lecteur en sait toujours plus que les
personnages et comprend dès le début que tout cela finira très mal… Un
carnage de feu et de sang… Humiliée une fois encore de la plus horrible des
façons lors de ce fameux bal – « Du sang de cochon pour une cochonne »
– , Carrie perd « la raison » et laisse son terrible « pouvoir »
se déchaîner, semant la mort et la désolation sur son passage…
Ce
roman dans le fond plus déprimant et cruel qu’horrible, connut un immense succès
et son adaptation au cinéma deux ans plus tard par Brian De Palma, la première
d’une longue série – Kubrick, Cronenberg, etc. –, devait lancer définitivement
la carrière de Stephen King.
Frédéric
Perrot
1. Sur le rapport à Cendrillon. Carrie White invitée au bal, se révoltant enfin contre son épouvantable mère, se confectionne elle-même la plus belle des robes, et chacun de la féliciter au cours de la soirée pour ses talents insoupçonnés de couturière...
Sympa l'article, je partage.
RépondreSupprimerMerci ! A bientôt
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