Ecrire et disparaître le savez-vous sont
une même chose
C’est pourquoi à ce qui n’est plus j’aime
adresser des lettres
Aux morts lancer des signes comme des
brassées de fleurs
Aux morts jeter des mots car leurs lèvres
fermées sont noires
Qui attendent toujours le baiser leurs os
sont blancs et froids
Nous nous souvenons à peine de leurs rires
et de leurs mouvements
Même s’ils nous ont tenus parfois serrés
très fort entre leurs bras
Poème : cendre ou poussière sur quoi
les mots tombent en pluie
Nul ne m’a présenté Dieu je ne connais que
son nom vide
Son absence extrême de visage son silence
obtus de vieux sourd
Et la plainte sur la croix du fils
abandonné qui ne renaîtra pas
Je ne le cherche plus comme autrefois dans
les églises ni dans les gares
Ni même sur le visage stupide des statues
ou des filles de joie
Je n’aspire pas même à y croire mourir est
une occupation qui me convient
C’est pourquoi sur le papier blanc je
trace des signes noirs
Où me dire me dissoudre offrir déjà ma
chair au rien qui la dévore
Quitter mon sang ma peau me défaire enfin
de mon cœur
Comme d’une vieille guenille trouée
d’amour où l’on a froid
Observer derrière le rideau ceux qui s’en
vont dans la tiédeur
Et ne savent pas encore quelle pelle et
quel trou les attendent
Les doigts déjà disjoints ils se sourient
si fort les yeux si clairs déjà percés
Aimer et disparaître quoi qu’il arrive sont
une même chose
Et tous ces gestes que vous faites dans la
nuit l’un vers l’autre
Ces baisers les yeux clos ne disent que la
séparation où vous vous accouplez
Moi je m’efforce pour un temps de faire
tenir les mots ensemble
C’est mon métier ma douleur mon usure ma
respiration de noyé
Je lie en bouquets ou en gerbes les
preuves de ma disparition
Et je projette sur vos cheveux des pétales
de cerisiers blancs
Afin que se fortifie dans vos cœurs la
pensée de l’amour.
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