Hypérion
est une planète sauvage et peu accueillante. C’est pourtant, à sa surface
malencontreuse, qu’a été construit le plus important parc d’attraction
psychique de la galaxie. Les travaux pharaoniques ont occupé pendant plus de
trente ans quelques quarante millions hommes. Peu ont survécu. L’atmosphère
d’Hypérion est un assez répugnant mélange d’éléments toxiques, hautement létal
pour tout homme non-augmenté et ne disposant pas de poumons hybrides. Pour de
strictes raisons humanitaires, il aurait sans doute fallu équiper ces
millions d’hommes avant de les mettre au travail, mais outre que cela aurait
considérablement alourdi le budget déjà colossal, on ne s’en
souciait guère. C’étaient pour la plupart des bagnards extraits des
colonies pénitentiaires dont on se débarrassait à bon compte en les tuant à
terme à la tâche : « C’est la seule ombre au tableau d’une superbe
réussite », comme l’a reconnu dans une formule un peu maladroite le
richissime architecte Hans Castorp lors de l’inauguration en grandes pompes du
parc d’attraction. Cet insignifiant détail oublié, Castorp peut se
réjouir : depuis plus de dix ans, le succès ne s’est pas démenti et le
parc accueille chaque année environ un milliard de visiteurs venus des quatre
coins de la galaxie. Les tarifs de la moindre attraction sont exorbitants et la
clientèle se trouve donc comme il se doit triée sur le volet : ce ne sont
que vedettes de la chanson interstellaire, marchands d’armes, hommes
d’affaires, industriels vieillissants accompagnés de leurs petits-enfants…
Je
ne sais pas en quoi consistent exactement ces fameuses attractions psychiques
qui font courir toute la galaxie, à en croire les hologrammes
publicitaires qui se déclenchent à toute heure du jour et de la nuit et ce
jusque dans ma cellule médicale. Chaque visiteur doit signer une rigoureuse
clause de confidentialité et s’engager à ne jamais évoquer d’une manière ou
d’une autre ce qu’il a réellement vécu dans l’enceinte du parc. On
comprendra qu’un secret si jalousement gardé ait donné lieu au fil des années
aux conjectures et rumeurs les plus folles. Je les crois pour la plupart
infondées ou sans intérêt… Ce ne sont après tout que de riches oisifs, des
parasites de toutes sortes qui viennent selon l’expression consacrée, se
taper un bon trip psychique… Peu m’importe… Je suis un vieillard à présent
et l’un des derniers survivants du plus formidable chantier jamais lancé par
l’homme…
Frédéric Perrot
C'est un bon début de nouvelle ou de roman SF sait on jamais !
RépondreSupprimerÇa me fait penser à la construction de la plus grande piste de ski indoor en plein désert à Dubaï..