Edouard Manet, Le Fifre |
C’est un beau soir d’été. Le jeune tapin
joue de la flûte sur le chemin. Il semble un peu éméché, il danse, trébuche
plus qu’il ne marche et je reconnais son costume d’arlequin usé et ses cheveux
roux en bataille. Ses lèvres se tordent en un vague sourire à mon approche et
je vois que son maquillage a un peu bavé. Tout autour, de derrière un arbre, du
cœur des broussailles, surgissent des yeux lubriques, des regards intéressés et
comme dans un théâtre grotesque, des mains s’activent, des mains s’agitent…
Enfin de la poche de mon pantalon à pinces, je sors un billet froissé et il
m’indique d’un mouvement d’épaule l’endroit habituel : sous le pont,
contre un mur, parmi les bris de verre, dans une âcre odeur d’urine, érotisme
de pissotière. Je lui dis que je préfère aller un peu plus loin, dans l’herbe
et les roseaux. Sans s’en étonner, il tente une courte plaisanterie sur la
nature et les goûts et tourne les talons. Je le suis et lui suggère que mon unique
désir est de rompre nos habitudes. Il rit à cette allusion plus concrète. Puis il
se remet à jouer de la flûte, il danse, chancelle plus qu’il ne marche sur le
chemin…
Le texte a été écrit en 2014 et revu en décembre 2015. Frédéric Perrot.
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