samedi 9 mai 2020

55, Journal de confinement (parodie)




Hier, je n’ai pas bu une goutte d’alcool et je n’ai pas fumé la moindre cigarette. Les résultats de ce bel effort ont été immédiats. Entre quatre heures et sept heures du matin, j’ai fait des rêves vraiment pénibles. Boire ou rêver, il faut choisir !

Mon double me reproche mes amours coupables avec Hervé Guibert, dont j’ai relu dans un ordre inversement chronologique L’homme au chapeau rouge et Le protocole compassionnel. J’ai expliqué à mon double que Guibert est un vrai écrivain, souvent cruel. J’ai lu la plupart de ses livres, je ne les aime pas tous, certains n’étant que pornographiques… « Mais ce n’est pas du Christine Angot ! » En fait, je soupçonne mon double d’être simplement jaloux : puisque je lui refuse de venir s’allonger dans mon lit depuis au moins quinze jours.

En revanche, je n’ai toujours pas relu pour la troisième fois À la Recherche du temps perdu. J’ai une excuse : je ne l’ai pas lue une fois.

Je me suis beaucoup ennuyé entre 11 heures 15 et 16 heures 50.

J’ai enfin décrassé ma cafetière. Elle en avait bien besoin. Je me suis félicité de cet exploit.

Je me suis également félicité – les gens se félicitent beaucoup eux-mêmes en confinement – d’avoir répondu à un élève au sujet d’un travail donné. Suivant les consignes officielles, pour ne pas dire rectorales, adjectif qu’avec mon mauvais esprit je trouve vulgaire, et qui nous encouragent lesdites consignes au mensonge par omission, je me suis bien gardé de lui dire que son travail et le mien étaient de toute façon parfaitement inutiles.

Je me suis demandé un instant si Michel Houellebecq avait arrêté de boire, son texte lu sur France Inter cette semaine étant à peu près correct. Quoique partir sur l’opposition de Nietzsche et de Flaubert est à la portée de tout le monde : je l’ai moi-même fait !

Je n’avais pas noté un mot dans mon Journal – le vrai – depuis le 21 mars. J’ai repris un peu. Mais vous n’en saurez rien. Il n’est pas public !

 En ce qui concerne le déconfinement, moi, personnellement, je vais rester chez moi… Moi, personnellement, je : vous admirerez cette triade !


                                                                                          Frédéric Perrot

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