Soudain je m’avise de donner une forme à
ma colère et j’en fais un pont au-dessus des eaux troubles. Je peux ainsi voyager
à pieds secs et les deux coudes appuyés au parapet, contempler l’horizon. Moment
de bonheur intense. Hélas, la brume tombe sur ce paysage ensommeillé. Vergers,
vignes et châteaux disparaissent. Insatiable, ma colère réveille ses fantômes
et reviennent les envies inassouvies. Comme j’aurais dû gifler cette bourgeoise
et moucher cet imbécile… Drame de l'esprit d’escalier ! Non, non, cette
fois je reviens, je ne dévale pas les marches pour m’enfuir, je les gravis à
grandes enjambées, en sens inverse ! Et à peine revenu entre ses murs,
j’attrape la bourgeoise par un bout de sa robe, la jette sur le sol et la roue
de coups sans autre forme de procès… Franchement, selon tous les témoignages,
elle l’avait bien cherché. Nul ne songe à m’accuser et je reçois les hommages
de ses proches qui se disent soulagés. Je serre encore quelques mains et m’en
vais, pressé de fourbir mes mots et mes armes, pour tuer l’autre imbécile d’une
pointe assassine…
Mes rêves d’escrime s’achèvent en une
plainte : une fois de plus, je me tourne dans le lit avec un mouvement
douloureux… Il m’est bien évident qu’à aucun moment je n’ai dormi réellement et
qu’il est l’heure de se lever… Une longue journée ordinaire de travail
m’attend…
Frédéric Perrot
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