Avant-propos
Le 16 octobre 2020, un professeur d’histoire-géographie
mourait assassiné à quelque trois cents mètres de son école. Dénoncé sur les
réseaux sociaux pour un crime islamophobe imaginaire, désigné à l’assassin par
des élèves transformés en indicateurs, l’enseignant mourra seul, sur le
trottoir, poignardé puis décapité par un djihadiste d’origine tchétchène,
Abdoullakh Anzorov. L’enquête personnelle que le lecteur tient entre ses mains
entend restituer cet événement en suivant les acteurs à la trace. Autant
préciser d’entrée de jeu qu’il ne saurait être question pour moi de traquer des
coupables au sens juridique du terme. Le mieux est de les considérer comme les personnages
d’une comédie politique où tout est vrai.
Ce livre est le récit d’un assassinat, la chronique d’une
institution, et, sans doute aussi, le portrait en creux d’une certaine époque.
Afin de mener à bien cette enquête, et plutôt que d’accuser des personnes, j’ai
souhaité formuler les impasses cognitives et les paradoxes administratifs que la
sociologie spontanée des acteurs et les coups de menton du gouvernement français
ne permettent pas de comprendre. Mon but était de décrire un dispositif étrange,
à la fois bienveillant et meurtrier, dont les principaux instigateurs n’ont
aucun intérêt à dévoiler la cruauté intrinsèque. Le lecteur trouvera de
nombreuses allusions à Kafka dans ce rapport, un conseiller plus sûr que les
deux enquêteurs envoyés sur les lieux par une institution à la fois juge et partie.
« On avait dû calomnier Joseph K., car, sans avoir
rien fait de mal… »
Le très mauvais procès que l’on s’apprête à lire aurait pu
emprunter au roman de Kafka son fameux incipit, et même le déroulé de ses
principaux incidents. Comprendre comment un individu se trouve isolé et finalement
pointé du doigt par l’administration
dont il relève constitue certainement la meilleure introduction à ce phénomène
peu étudié : non pas le « vivre ensemble », mais le mourir
seul. Il n’aura pas échappé au
lecteur que Joseph K. trouve la mort, d’une façon d’ailleurs fort logique, sous
la lame d’un couteau de boucher. C’est cette logique que j’ai essayé de cerner
au plus près.
David Di Nota
J’ai exécuté un chien de
l’enfer
Rapport sur l’assassinat de Samuel Paty
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