lundi 14 novembre 2022

David Di Nota, J'ai exécuté un chien de l'enfer, Rapport sur l'assassinat de Samuel Paty, (Avant-propos)


 

Avant-propos

 

       Le 16 octobre 2020, un professeur d’histoire-géographie mourait assassiné à quelque trois cents mètres de son école. Dénoncé sur les réseaux sociaux pour un crime islamophobe imaginaire, désigné à l’assassin par des élèves transformés en indicateurs, l’enseignant mourra seul, sur le trottoir, poignardé puis décapité par un djihadiste d’origine tchétchène, Abdoullakh Anzorov. L’enquête personnelle que le lecteur tient entre ses mains entend restituer cet événement en suivant les acteurs à la trace. Autant préciser d’entrée de jeu qu’il ne saurait être question pour moi de traquer des coupables au sens juridique du terme. Le mieux est de les considérer comme les personnages d’une comédie politique où tout est vrai.

       Ce livre est le récit d’un assassinat, la chronique d’une institution, et, sans doute aussi, le portrait en creux d’une certaine époque. Afin de mener à bien cette enquête, et plutôt que d’accuser des personnes, j’ai souhaité formuler les impasses cognitives et les paradoxes administratifs que la sociologie spontanée des acteurs et les coups de menton du gouvernement français ne permettent pas de comprendre. Mon but était de décrire un dispositif étrange, à la fois bienveillant et meurtrier, dont les principaux instigateurs n’ont aucun intérêt à dévoiler la cruauté intrinsèque. Le lecteur trouvera de nombreuses allusions à Kafka dans ce rapport, un conseiller plus sûr que les deux enquêteurs envoyés sur les lieux par une institution à la fois juge et partie.

 

       « On avait dû calomnier Joseph K., car, sans avoir rien fait de mal… »

 

       Le très mauvais procès que l’on s’apprête à lire aurait pu emprunter au roman de Kafka son fameux incipit, et même le déroulé de ses principaux incidents. Comprendre comment un individu se trouve isolé et finalement pointé du doigt par l’administration dont il relève constitue certainement la meilleure introduction à ce phénomène peu étudié : non pas le « vivre ensemble », mais le mourir seul. Il n’aura pas échappé au lecteur que Joseph K. trouve la mort, d’une façon d’ailleurs fort logique, sous la lame d’un couteau de boucher. C’est cette logique que j’ai essayé de cerner au plus près.

 

 

David Di Nota

J’ai exécuté un chien de l’enfer

Rapport sur l’assassinat de Samuel Paty

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