Une tristesse inexprimable
A ouvert deux yeux immenses.
Le vase de fleurs s’éveillant
Nous éclabousse de cristal.
Toute la chambre est imprégnée
De langueur – délicieux remède !
Penser qu’un si petit royaume
A englouti tant de sommeil.
Il n’y a qu’un peu de vin rouge
Et qu’un peu de soleil de mai –
La blancheur des doigts les plus fins
Emiette le mince biscuit.
1909
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Pas de comparaisons : le vivant est incomparable.
Avec quelle tendre épouvante j’ai accepté
L’uniformité des plaines toujours semblable,
Le cercle du ciel devint mon infirmité.
Mais ce fut l’air, l’air-serviteur, que j’invoquai,
J’attendais de lui messages et dévouement,
Puis je me mis en route et naviguai sur l’arc
Des voyages qui n’ont pas de commencement.
J’irai, en vagabond, où me fut donné
Plus de ciel, et la claire angoisse m’accompagne
Sur les coteaux jeunes encore de Voronèje,
Loin de ceux plus humains et plus clairs de Toscane.
18 janvier 1937, Voronèje.
Ossip Mandelstam, Tristia et
autres poèmes
Choisis et traduits du russe par François Kérel.
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