Nous
avons tout juste assez de religion pour nous haïr, mais pas assez pour nous
aimer les uns les autres.
Comment
peut-on espérer que les hommes acceptent des avis, quand ils n’acceptent pas
même des avertissements ?
Cette
méthode stoïque de subvenir à nos besoins en supprimant nos désirs équivaut à
se couper les pieds pour n’avoir plus besoin de chaussure.
Celui
qui observe en marchant dans les rues verra, je crois, les visages les plus
gais dans les voitures de deuil.
Une
fois que le monde a commencé à nous traiter mal, il continue ensuite avec moins
de scrupule et de cérémonie, comme font les hommes envers une femme perdue.
Le
pouvoir arbitraire est la tentation naturelle pour un prince, comme le vin et
les femmes pour un jeune homme, ou les épices pour un juge, ou l’avarice pour
un vieillard, ou la vanité pour une femme.
Des
petites causes suffisent pour tourmenter, lorsqu’il n’en existe pas de
grandes : faute d’une souche, une paille vous fera choir.
Vénus,
une belle et bonne dame, était la déesse de l’amour ; Junon, une terrible
mégère, la déesse du mariage, et toujours elles furent ennemies mortelles.
Apollon,
le dieu de la médecine, passait pour envoyer les maladies. Dans l’origine les
deux métiers n’en faisaient qu’un, et il en est toujours ainsi.
Les
vieillards et les comètes ont été vénérés pour la même raison : leurs
longues barbes er leurs prétentions à prédire l’avenir.
Si
un homme me tient à distance, ma consolation est qu’il s’y tient aussi.
C’est
parfaitement observé, dis-je, quand je lis dans un auteur un passage où son
opinion s’accorde avec la mienne. Quand nous différons, je déclare qu’il s’est
trompé.
Quelque
universelle que soit la pratique du mensonge, et quelque facile qu’elle semble,
je ne me souviens pas d’avoir entendu trois bons mensonges dans tout le cours
de mes conversations, même de la part de ceux qui étaient les plus célèbres en
ce genre.
Un
homme aurait peu de spectateurs s’il offrait de montrer pour trois pence
comment il peut enfoncer un fer rougi au feu dans un baril de poudre, sans
qu’elle prenne feu.
La
mort d’un individu est en général de si peu d’importance pour le monde qu’elle
ne saurait être d’une grande importance en soi ; et cependant je ne
remarque pas, d’après la pratique du genre humain, que ni la philosophie ni la
nature nous aient suffisamment armés contre les craintes qui l’accompagnent. Je
ne vois rien non plus qui puisse nous réconcilier avec cette idée, si ce n’est
l’extrême souffrance, la honte ou le désespoir ; car la pauvreté, l’emprisonnement,
la mauvaise fortune, le chagrin, la maladie et la vieillesse échouent
généralement.
Je
ne suis jamais étonné de voir les hommes coupables, mais je suis souvent étonné
de ne pas les voir honteux.
Ne
voyons-nous pas avec quelle facilité nous excusons nos actions et nos passions
et jusqu’aux infirmités de notre corps ? qu’y a-t-il d’étonnant à ce que
nous excusions aussi notre imbécillité ?
Je
demandais à un homme pauvre comment il vivait ; il répondit :
« Comme un savon, toujours en diminuant. »
Personne
n’accepte de conseils ; mais tout le monde acceptera de l’argent :
donc l’argent vaut mieux que les conseils.
Jonathan
Swift, Instructions aux domestiques et opuscules humoristiques
Traduction
de l’anglais par Léon de Wailly
Excellent! Joyeux Noël en famille!
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