samedi 18 novembre 2017

La véritable nuit de l'âme

La véritable nuit de l’âme

Il est trois quatre heures du matin
La véritable nuit de l’âme
Comme l’écrivait le plus étincelant
Et le plus malheureux
Des romanciers américains

Toute vie est bien entendu un processus de démolition

Il est seul avec sa douleur
C’est le lot de tout à chacun
La douleur ne se partage pas
C’est son corps qu’elle tourmente
Son esprit qu’elle assombrit

Il est trois quatre heures du matin
La folie habituelle de la ville
Est dans une phase de latence
Et le temps est comme suspendu
En une piètre éternité

Des visions fugaces
Le maintiennent éveillé
Par instants ses yeux brûlent
Milliers de points
Qui semblent crépiter

Mêlés aux anxiétés
Mesquines du petit salarié
Aux inavouables petites envies
Aux vagues regrets 
Reviennent les événements du jour

L’éprouvante laideur des images
Le triomphe de la mort
Les tueries les corps les visages
Jusqu’à ce que le regard tombe
Sur le portrait des assassins

Ces vomissures à forme humaine
Et qui voulaient mourir les imbéciles
Et que d’autres nombreux meurent avec eux
Sans quoi sans doute la jouissance
Ne serait pas complète…

Il doit être près de cinq heures à présent
Bientôt les oiseaux
Commenceront d’appeler l’aube de leurs vœux
Retentiront leurs cris joyeux
La ville réveillera ses fous

Et ce sera un autre jour


                            Frédéric Perrot

Jimmy Poussière (Alain M)

1 commentaire:

  1. Le romancier américain dont il est question est Francis Scott Fitzgerald, l’auteur de Tendre est la nuit. Dans La fêlure, outre la triste et célèbre entame – « Toute vie est bien entendu un processus de démolition » –, on peut lire : « Mais à trois heures du matin un colis oublié prend une importance aussi tragique qu’une condamnation à mort, et le remède est sans effet – et dans la nuit véritablement noire de l’âme, il est toujours, jour après jour, trois heures du matin.»

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