La véritable nuit de l’âme
Il
est trois quatre heures du matin
La
véritable nuit de l’âme 
Comme
l’écrivait le plus étincelant 
Et
le plus malheureux 
Des
romanciers américains 
Toute vie est bien entendu un
processus de démolition
Il
est seul avec sa douleur 
C’est
le lot de tout à chacun 
La
douleur ne se partage pas
C’est
son corps qu’elle tourmente 
Son
esprit qu’elle assombrit
Il
est trois quatre heures du matin 
La
folie habituelle de la ville 
Est
dans une phase de latence
Et
le temps est comme suspendu
En
une piètre éternité
Des
visions fugaces
Le
maintiennent éveillé 
Par
instants ses yeux brûlent 
Milliers
de points 
Qui
semblent crépiter
Mêlés
aux anxiétés 
Mesquines
du petit salarié 
Aux
inavouables petites envies 
Aux
vagues regrets  
Reviennent
les événements du jour
L’éprouvante
laideur des images 
Le
triomphe de la mort 
Les
tueries les corps les visages 
Jusqu’à
ce que le regard tombe
Sur
le portrait des assassins 
Ces
vomissures à forme humaine 
Et
qui voulaient mourir les imbéciles
Et
que d’autres nombreux meurent avec eux
Sans
quoi sans doute la jouissance 
Ne
serait pas complète… 
Il
doit être près de cinq heures à présent
Bientôt
les oiseaux 
Commenceront
d’appeler l’aube de leurs vœux 
Retentiront
leurs cris joyeux 
La
ville réveillera ses fous
Et
ce sera un autre jour
                            Frédéric Perrot
![]()  | 
| Jimmy Poussière (Alain M) | 

Le romancier américain dont il est question est Francis Scott Fitzgerald, l’auteur de Tendre est la nuit. Dans La fêlure, outre la triste et célèbre entame – « Toute vie est bien entendu un processus de démolition » –, on peut lire : « Mais à trois heures du matin un colis oublié prend une importance aussi tragique qu’une condamnation à mort, et le remède est sans effet – et dans la nuit véritablement noire de l’âme, il est toujours, jour après jour, trois heures du matin.»
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