jeudi 23 février 2023

Deux poèmes de René Char (en son hommage)


 

   La liberté

 

Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l’issue de l’aube que le bougeoir du crépuscule.

Elle passa les grèves machinales ; elle passa les cimes éventrées.

Prenaient fin la réconciliation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l’alcool du bourreau.

Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s’inscrivit mon souffle.

D’un pas à ne se mal guider que derrière l’absence, elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne blanche.

 

 

Hermétiques ouvriers…

 

       Hermétiques ouvriers

       En guerre avec mon silence,

 

       Même le givre vous offense

       A la vitre associé !

       Même une bouche que j’embrasse

       Sur sa muette fierté !

 

Partout j’entends implorer grâce

Puis rugir et déferler,

Fugitifs devant la torche,

Agonie demain buisson.

 

Dans la ville où elle existe,

La foule s’enfièvre déjà.

La lumière qui lui ment

Est un tambour dans l’espace.

 

Aux épines du torrent

Ma laine maintient ma souffrance.

 

 

                                                      René Char est mort le 19 février 1988.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire