dimanche 15 janvier 2023

Le train martyr (un poème de René Char)


 

L’argent s’épuise.

L’appétitive excavatrice

N’ira pas plus avant dans le trou frémissant.

Fini, fini, l’argent s’épuise.

Humeur ! L’égout n’assortit plus ses eaux

De neiges éternelles.

 

Paléontologique commerce de la banque,

Les hauteurs de l’argent, dit-on, s’affaissent.

Celui-ci roulotte loin dans ses plaines finales.

Nul Cuvier ne se penche

Sur la manne dispersée.

Biens des vieux océans exhumés

Retournent aux ouragans stériles.

L’homme creuse là ses abris, croit-on,

Mouillé de sang et sec d’espace.

Est-ce le terme, est-ce l’issue ?

 

L’angoisse est pauvre, le désert fier.

Ce qui naît à chaque aube obscure :

Prendre tout et comprendre peu

Réciproquement s’interdisent.

Tu tiens de toi tes chemins,

Aussi leur personne pensive.

La folie est sans destinée.

Où elle sera, tu n’es plus.


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