J’ai
rarement rencontré dans ma vie des gens qui avaient besoin comme moi d’être
regonflés à chaque instant.
On
ne m’invite plus dans le monde. Après une heure ou deux (où je témoigne d’une
tenue au moins égale à la moyenne), voilà que je me chiffonne. Je m’affaisse,
je n’y suis presque plus, mon veston s’aplatit sur mon pantalon aplati.
Alors,
les personnes présentes s’occupent à des jeux de société. On va vite chercher
le nécessaire. L’un me traverse de sa lance, ou bien il use d’un sabre. (On
trouve hélas ! des panoplies dans tous les appartements.) L’autre m’assène
joyeusement de gros coups de massue avec une bouteille de vin de Moselle, ou avec
un de ces gros doubles litres de chianti, comme il y en a ; une personne
charmante me donne de vifs coups de ses hauts talons ; son rire est flûté,
on la suit avec intérêt et sa robe va et vient, légère. Tout le monde est plein
d’entrain.
Cependant,
je me suis regonflé. Je me brosse vite les habits de la main, et je m’en vais
mécontent. Et tous de pouffer de rire derrière la porte.
Des
gens comme moi, ça doit vivre en ermite, c’est préférable.
Le texte appartient à Mes propriétés (1930).
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