vendredi 27 janvier 2017

sur les Red House Painters (Une page de Journal)

Ce continent solitude (Une page de Journal)

                                               « Sad reminders of what seems years ago »
                                                                                  (Mark Kozelek, Evil)


26 août 2015 – J’ai envoyé à Patrice quelques morceaux des Red House Painters, le groupe du malheureux Mark Kozelek, dont j’ai tant écouté le second et troisième album parus à quelques mois d’écart (1993) sur le label anglais 4AD – Rollercoaster, Bridge. Ce sont des disques désespérés, étranges, qui installent souvent une atmosphère d’attente inquiète, angoissée, comme si le pire, l’effroyable devaient toujours se produire d’un instant à l’autre (Helicopter). La lenteur est ici presque une philosophie, l’expression d’un sentiment existentiel et les morceaux sont parfois d’une longueur déraisonnable. Avec sa voix d’enfant de chœur, atone par moments, le chanteur chante la folie, la peur, le cauchemar américain, ce continent solitude… Il y a de languides chansons pop sentimentales et mélancoliques (Bubble), des morceaux folk bizarres et mal foutus, des ballades à la manière de Lou Reed sur le troisième album du Velvet Underground (Katy Song). Et il y a d’autres morceaux plus expérimentaux, déstructurés, effrayants comme un film de David Lynch passé au ralenti, du Pink Floyd sous valium ou du Cure trempé dans les eaux boueuses du rock indépendant américain (Funhouse, Mother). A une chanson déchirante (Uncle Joe) peuvent succéder les hurlements d’un fou qui semble chercher sa camisole (Blindfold). Une reprise austère et quasiment new wave des doux Simon and Garfunkel (I am a Rock) voisine avec les chœurs psychédéliques de leur morceau le plus intrigant (Evil). L’écoute de ces deux disques siamois n’est jamais confortable. Les paroles sont terribles, décourageantes ou cruelles. Il y est question d’accidents de voiture ou d’un hélicoptère qui tombe ou d’une amante qui n’est pas assez mystérieuse (Mistress). Le chanteur supplie qu’on le sauve de sa folie (Grace Cathedral Park) ou raconte comment on devient rapidement un inadapté social aux Etats-Unis, quand on ne sait pas, quand on a peur de conduire une voiture, sur l’amère et autobiographique Strawberry Hill :
He’s not like the other boys/Around here/He says nothing and sits/In in his room/And he’s afraid to/And he’s afraid to drive a car/ So sad he is/ It’s our duty/As we’re respected/It’s our duty/As Californians/To show him new life
Sur ce morceau emblématique, comme sur d’autres, la voix du chanteur s’étrangle de colère impuissante, au souvenir de ce qu’il a vécu au sein de sa propre famille...

Les Red House Painters (1992-2001) sont un grand groupe oublié de San-Francisco, Californie… Mark Kozelek, qui au sortir de l’enfance a connu l’enfer – l’alcoolisme précoce, les drogues, les internements –  est bien vivant, sa discographie tend à être pléthorique et son groupe actuel se nomme Sun Kil Moon.

Pour écouter Evil 




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